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Archives-Reflexions

Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir (Actes 20, 35)

 

Il y a de nombreux adages dans la Bible. Personne ne sera étonné de trouver celui-ci : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir (Actes 20, 35) ». Il correspond tout à fait à l’idée que l’on se fait de la morale chrétienne. Des générations successives se sont saisies de cette invitation, en la prenant pour loi, faisant de la charité un devoir. Aujourd’hui le don déborde largement les fidèles des églises, et la plupart des associations sont laïques. Le don est devenu un business, mais ce n’est pas parce que les dons sont des marchandises qu’il faudrait s’arrêter de donner. Il ne s’agit aucunement de remettre en cause ces élans de générosité. Ce n’est donc pas le don en lui-même que je souhaiterais interroger, mais plutôt les raisons et les conséquences de ses dons. Nous aurions tort de ne pas entendre l’autre versant de la phrase, à savoir que recevoir donnerait moins de plaisir que de donner. Donner procure du bonheur, mais recevoir, n’est pas toujours aisé. Pourtant les deux sont intimement liés. Et, malgré une simplicité de compréhension apparente, cette citation est en réalité plus complexe.

En premier, son emplacement dans la Bible peut nous interpeller.

On pourrait s’attendre à la trouver dans les Évangiles et dans la bouche de Jésus, mais c’est Paul qui nous la rapporte. C’est assez étonnant car Paul ne cite pratiquement jamais Jésus, il ne fait que très peu référence à son ministère appuyant sa foi et sa doctrine sur la croix et la résurrection.  C’est donc assez paradoxal d’entendre cette sentence dans sa bouche. Et, connaissant Paul nous aurions tort d’entendre « il faut donner » car il est bien celui qui nous apprend à nous méfier de la loi. Il nous dit tout simplement le bonheur de donner. Et, dans le discours de Paul qui précède, on retrouve deux éléments :

- Le vrai don c’est l’indépendance

Il invite à donner, pourtant il a refusé de dépendre des autres. Il a toujours travaillé, il a vécu de ses propres revenus, il le rappelle. Il a tout fait pour ne pas être redevable. Alors faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ! Certes pas, mais nous avons là une donnée essentielle : Paul refuse de recevoir des autres, mais son travail, son labeur prend une autre dimension, il ne travaille pas pour lui, mais pour se donner les moyens de donner, et de prêcher. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Paul le dit pour insister sur l’indépendance, mais aussi pour mettre en lumière que le don est un privilège, c’est peut-être en cela qu’il procure du bonheur. Pour le dire autrement seul les privilégiés ont la possibilité de donner (et cela ne vaut pas que pour l’argent). D’ailleurs, le don peut créer un rapport de dépendance celui qui reçoit est débiteur. Un proverbe africain nous dit que la main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit. Le vrai don c’est de donner à l’autre la possibilité d’être en capacité de donner à son tour. Cela devrait être la finalité de la politique sociale. La possibilité d’être eux aussi des privilégiés, des donateurs.

- Sous le signe de la grâce ou le bonheur de recevoir

Mais avant de rappeler ses moyens de subvenir à ses besoins et la possibilité de donner, Paul énonce une chose essentielle : il confie ses amis à Dieu, car tout don vient de lui : « Et maintenant, je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, qui a la puissance d'édifier et de donner l'héritage parmi tous ceux qui sont sanctifiés. » Aussi pour conclure je voudrais éclairer cette réflexion par ce qui est au cœur de la théologie de Paul, de Luther, des protestants : la grâce, et c’est à cette mesure qu’il faut entendre : « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ». En nous questionnant : Ce n’est peut-être pas toujours facile de donner, mais il est parfois encore plus délicat de recevoir ? Pourtant il y a du bonheur à recevoir. Nous sommes tous redevables de ce don premier, cet abandon de Dieu pour nous. Dieu qui nous sait vulnérable et coupable. Serons-nous capable de recevoir ce qui nous est offert de manière radicalement gratuite ?

Ce don, cette grâce nous invite, nous envoie vers l’autre pour donner à notre tour. C’est parce-que je reçois que je suis en capacité de donner, que j’ai le bonheur de donner. Le bonheur de donner est  la réponse à cette grâce, c’est également ce qui nous permet de recevoir sans culpabilité. Quel bonheur de pouvoir donner. Il y a un temps pour donner, et un temps pour recevoir

Heureux celui qui sait recevoir,  il se sait aimé de Dieu.

Florence Blondon