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Archives-Reflexions

Jésus-Christ, de quoi est-on sûrs ?

 

Que peut-on savoir du Jésus de l'histoire..? Pour le savoir, depuis quelques temps, on ne cherche plus tellement à décrypter les traits du Jésus historique sous les récits des Evangiles (qui, rappelons-le, ont été écrits trente ans après la mort de Jésus). On cherche plutôt à caractériser ce qu'a été effectivement Jésus de Nazareth par rapprochement avec d'autres «..messies..» et prophètes de la même époque tels que nous les connaissons par les historiens juifs et romains. De fait, Jésus avait sûrement des points communs avec eux.

Jésus a sûrement eu une activité de guérisseur tout comme d'autres rabbis qui, eux aussi, accomplissaient des miracles (par exemple Honi le Traceur de cercles, Onias le Juste et Hanina Ben Dosa).

Jésus a été un prédicateur dans la mouvance des idées de son temps. Les propos du Sermon sur la Montagne de Jésus ont une analogie étroite avec les enseignements des rabbins de la même époque tel qu'ils sont rapportés dans la Mishnah (recueil d'enseignements de maîtres juifs des premier et deuxième siècles après J.C.). Le fait de s'exprimer en parabole était également fréquent chez eux.

Jésus a dû s'opposer violemment aux rituels du Temple, aux marchands du Temple, et aux prêtres de ce Temple. De fait, la contestation des autorités juives de Jérusalem était fréquente à cette époque. Le courant de Jean-Baptiste en témoigne ainsi que celui des Esséniens. On annonçait la disparition du Temple de Jérusalem dont les rituels cultuels étaient considérés comme pervertis par un clergé corrompu. Et on annonçait l'instauration d'un Temple nouveau qui serait une demeure digne de Dieu. Ainsi Flavius Josèphe rapporte qu'un certain Jésus ben Ananias parcourait Jérusalem en annonçant la ruine de la ville et de son Temple. Tout comme Jésus de Nazareth, il fut livré par les prêtres du Temple aux Romains qui le relâchèrent en l'estimant fou. Et quelques années après Jésus, Etienne fut lapidé par les autorités juives (Actes 6,13) au motif qu'il s'opposait, tout comme Jésus, au Temple et à une interprétation trop stricte de la loi de Moïse.

L'activité de Jésus doit également être située dans le contexte de la montée des courants protestataires contre l'occupant romain. A la mort d'Hérode le Grand (4 avant J.C.), une «..guerre des brigands..» fit surgir de nombreux prétendants messianiques au trône. Le berger Athrongès ceignit le diadème royal dans l'enthousiasme de ses fidèles. En 6 après J.C., Judas le Galiléen conduisit une campagne de refus de l'impôt et ses partisans furent écrasés par les légions romaines. Et Jean-Baptiste fut lui-même décapité par l'occupant, son activité étant considérée comme subversive.

C'est dans ce contexte que, sans doute à tort, Jésus a été considéré comme un «..nouveau Moïse..» (Actes 3:22-23, Mat 2:13-15) ayant pour vocation de libérer le peuple d'Israël du joug des Romains. De même, à la même époque, un nommé Theudas rallia des centaines d'hommes à sa cause en leur promettant de traverser le Jourdain à pied sec et de reconquérir la Terre promise.

Peu après Jésus, un prophète samaritain souleva, lui aussi, un mouvement indépendantiste, ce qui suscita une répression tellement violente de la part des Romains que Ponce Pilate, qui l'avait commanditée, fut sanctionné par Rome.

Mais loin d'être un prophète messianique mysticopolitique, Jésus était plutôt un sage proposant une interprétation libérale de la Loi de Moïse. Il s'écarte de la casuistique des «..rabbis..» de son temps. Il enseigne la priorité de l'amour et de l'exigence morale sur la loi rituelle. Mais il n'est pas le seul. Le célèbre rabbin Hillel qui vécut une génération avant Jésus le faisait aussi.

Tout ceci permet d'inscrire Jésus dans la mouvance de son temps, mais aussi de mieux cerner sa personnalité propre. Ce qui le caractérise, c'est qu'il n'est pas un ascète et qu'il prêche un Dieu de grâce qui «..fait lever son soleil sur les justes et sur les injustes..» (Mat 5,45). Sa prédication de l'amour a été d'une radicalité sans doute unique. De fait Jésus prêche une grâce égale pour les Samaritains et les Juifs (Luc 17:11-19), les enfants (Marc 10:13-16), les collecteurs d'impôts, et les femmes (Luc 8:32). Il partage ses repas avec les réprouvés et les femmes de mauvaise vie en anticipant ainsi le Repas du Royaume tel qu'il l'attend et le prêche (Mat 21:31). On n'avait jamais vu cela.
 

Les Evangiles disent-ils la vérité ?

Pouvons-nous retrouver le «..vrai..» Jésus à partir des Évangiles..? Je pense que oui, même si les Evangiles sont des écrits qui nous présentent plus une icône de Jésus que sa biographie objective. Et pourtant, les Evangiles nous font découvrir la vérité de Jésus mieux que ne le feraient des récits strictement biographiques.

Pour faire comprendre ce point, on peut proposer une comparaison. La vérité de ce qui s'est passé le 14 juillet 1789 est plus perceptible dans les manuels scolaires d'aujourd'hui que dans des comptes-rendus de police établis à Paris le 15 juillet 1789. Et, de la mêmemanière, les Évangiles nous font découvrir, à propos de Jésus, une vérité qui va au-delà de la simple exactitude historique. Cette vérité, c'est celle de la force unique de sa prédication, celle de la valeur exemplaire de son martyre et celle de la radicalité révolutionnaire de la Bonne nouvelle qu'il prêche. Le fait qu'un prophète ait été persécuté n'a en soi rien d'exceptionnel ni defondamental. Mais ce que les Évangiles nous disent sur la portée et la signification de ce martyre a bouleversé l'histoire du monde.

Un dernier mot. De son temps, Jésus a été incompris, trahi et crucifié. Et c'est pourquoi, sa «..promotion..», très vite après sa mort, en tant que «..Fils de Dieu..» reste donc une énigme. Il nous faut le reconnaître clairement et humblement, nous ne pouvons pas cerner la réalité historique de ce Jésus qui est le centre de notre foi. Et pourtant c'est cette foi qui nous anime. On peut traduire ceci par une image: Je ne peux voir le fond de mon oeil et c'est pourtant grâce à lui que je vois.

Alain Houziaux