Skip to main content
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Archives-Reflexions

Jésus-Christ est descendu aux enfers... mais pourquoi donc ?

 

Cette « descente aux enfers » de Jésus-Christ nous laisse perplexe. Personne ne comprend guère ce que Jésus allait faire dans cette galère.

Et pourtant, cet énoncé du Symbole des Apôtres, le Credo, c'est peut-être celui auquel je tiens le plus. Car il énonce que tous les hommes, je dis bien tous les hommes (et pas seulement les croyants, les bien-pensants ou les membres de telle ou telle secte) seront "sauvés". En effet, c'est ce que dit le seul texte du Nouveau Testament qui évoque cette descente aux enfers (I Pierre 3,18-22). Il énonce que Jésus est allé délivrer des enfers les hommes de la génération de Noé, qui dans la Bible, sont considérés comme d'infâmes pécheurs puisque Dieu les a noyés en ne gardant que Noé.

Cet article du Symbole des Apôtres, il faut le lire comme un épisode d'un roman policier. En effet, ce jour-là, le Christ effectue une « descente aux enfers » un peu comme on parle d'une « descente de police ». Il va combattre un pouvoir malfaisant. Il va rétablir le pouvoir légitime. Ainsi il brise les verrous des portes de la mort, foule aux pieds Satan vaincu et délivre les morts et les pécheurs que Satan avait enchaînés. Puis il remonte au ciel, auprès du Père, en tirant derrière lui les morts qu'il a libérés. Tout ceci doit bien sûr être entendu de manière plus ou moins symbolique !

Ainsi, le Christ descend aux enfers pour libérer ceux qu'il aime de l'emprisonnement et de la mainmise du Prince des ténèbres. « Jésus est descendu aux enfers » signifie : Jésus est allé manifester la victoire et la seigneurie de Dieu en allant prendre possession des enfers.

La manifestation de la victoire de Jésus-Christ sur la mort, ce n'est pas d'abord le jour de Pâques, c'est d'abord le Samedi Saint, le jour de « sa descente aux enfers ».

Avant la descente de Jésus aux enfers, il y avait un lieu, le « sheol » qui échappait et qui résistait au pouvoir de Dieu. C'était une forme d'enclave et de forteresse où Dieu n'était pas Seigneur. Et il y avait là des êtres, des pécheurs et des impies qui ignoraient la Bonne Nouvelle du salut grâce au Christ et qui étaient détenus en esclavage par le Prince des ténèbres.

Mais le Samedi saint, tout a basculé. Oui, nous disons bien « le Samedi saint » et non pas « le jour de Pâques ». Le Christ, au nom du Père, a pris possession du dernier bastion qui échappait à son pouvoir et à son amour. Dès lors, Christ peut être « tout en tout ». Il n'y a plus de lieu exclu de la seigneurie de Dieu. Le Christ triomphant détient les clés du séjour des morts (Apoc 1,18).

Dès lors, dans la pensée traditionnelle des Eglises, les images peuvent se multiplier pour dire la proclamation de la victoire du Christ sur les enfers. Dans le séjour des morts, c'est-à-dire dans les enfers, il y avait d'abord Adam. Et Adam symbolise toute l'humanité qui a précédé la venue de Jésus-Christ et qui, de ce fait, était morte sans baptême. Mais Adam symbolise aussi l'humanité toute entière, par-delà les différences d'époque, de lieu, de confession et de morale. Et voici que, par la grâce de la descente de Jésus-Christ aux enfers, Adam retourne au Paradis dont il avait été chassé.

Les grands peintres ont souvent bien compris l'extraordinaire portée de ce salut universel. Ils ont souvent représenté la descente aux enfers de Jésus comme une descente triomphale et victorieuse. Ils l'ont représentée comme une victoire sur le Prince des ténèbres.

De plus, dans les tableaux représentant la Crucifixion de Jésus, ils ont souvent, au pied de la Croix de Jésus à Golgotha, représenté un crâne, celui d'Adam. De fait, on a quelquefois dit que la Croix de Jésus-Christ avait été dressée là où Adam était mort. Mais, en fait, mettre le crâne d'Adam au pied de la Croix, c'était surtout affirmer que Christ était mort et qu'il était descendu aux enfers pour permettre le salut de toute la race d'Adam, c'est-à-dire le salut de l'humanité toute entière, puisque « Adam » en hébreu, signifie tout simplement « l'homme ».

Que penser de tout cela ?

Je le reconnais, le fait que les contemporains de Noé, morts il y a quelques millénaires, aient été délivrés par Jésus-Christ de l'esclavage du séjour des morts dans lequel Satan les tenait, cela me laisse un peu perplexe et même, pour tout dire, un peu indifférent.

Par contre, ce qui me paraît fondamental, c'est de proclamer :

· que l'humanité depuis ses origines et sans doute jusqu'au terme de son passage sur notre planète constitue une seule et même famille dans laquelle les distinctions que nous faisons (en particulier les différences de morale et de religion) sont tout à fait secondaires aux yeux de Dieu.

· que la meilleure image que l'on peut se faire de Dieu soit celle d'un homme qui s'est inscrit au plus profond de la souffrance des hommes pour pouvoir aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus.

· que le rêve que l'on puisse se faire du Royaume de Dieu ne soit pas celui d'une caste réservée à quelques privilégiés ni d'une secte de bien pensants, mais bien celui d'un monde où, selon le mot de Dante, ce serait l'amour qui conduirait le mouvement du soleil et des autres étoiles.

Alain Houziaux