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Peut-on prouver l'existence de Dieu ?

 Peut-on prouver l'existance de Dieu ?

De tout temps, les théologiens ont voulu prouver que leur Dieu, défini comme un Etre actif par lui-même, n'était pas une invention. Et ils l'ont fait en tentant de donner des preuves de l'existence de Dieu.

La démonstration de Descartes est simple. Elle prouve Dieu à partir de l'homme. Il dit " Je n'aurais pas l'idée d'une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n'avait été mise en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie ".

Il s'agit d'une preuve par les effets. La cause est prouvée par les effets. Tout effet doit avoir une cause du même ordre, et c'est pourquoi le fait que l'homme ait le sens de l'infini ne peut avoir sa cause en l'homme lui-même puisqu'il est fini. Il ne peut avoir sa cause qu'en Dieu. Donc Dieu existe, et c'est lui qui donne à l'homme le sens de l'infini et de Dieu lui-même.

Saint Thomas d'Aquin prétend lui aussi prouver que Dieu existe et il le fait par cinq "voies ". Il utilise lui aussi la voie de la preuve de l'existence d'une cause à partir de ses effets. Saint Thomas prouve Dieu à partir des caractéristiques du monde.

Citons seulement la première et la cinquième de ces preuves.

Dans ce monde, certaines choses sont en mouvement. Tout mouvement et, de façon générale, tout changement est l'actualisation d'une potentialité antécédente. Ainsi le bois qui est froid peut devenir chaud grâce à la chaleur du feu. Mais d'où vient cette chaleur ? Il faut qu'elle ait elle-même une cause. Et comme on ne peut poursuivre infiniment cette régression à l'infini des causes, il faut admettre qu'il y ait un moteur premier qui est Dieu.

On peut traduire cette preuve dans un langage plus scientifique et plus actuel. Au fur et à mesure que l'univers se déroule dans le temps, on peut constater une forme de dégradation de l'énergie, appelée entropie. Ainsi les astres se refroidissent petit à petit au cours du temps. C'est la loi de Clausius-Carnot. Mais une question se pose : d'où vient l'énergie qui était au commencement des temps ? Il faut bien qu'il y ait une cause première de cette énergie originelle. C'est cette cause première que l'on appelle Dieu. Dieu est la cause première qui produit à l'infini des causes sans être lui-même dégradé par l'émission de ces causes. On retrouve l'image biblique du buisson ardent qui brûle sans se consumer (Exode 3).

Kant critiquera le caractère de preuve de l'argumentation de Saint Thomas d'Aquin . Il considère en effet que l'on passe indûment du concept rationnellement nécessaire d'une cause première à son existence réelle.

La cinquième preuve de Saint Thomas d'Aquin s'effectue non pas selon l'idée de cause, mais plutôt selon celle de finalité. Les êtres (et plus particulièrement les êtres vivants ajouterons-nous) opèrent, bien qu'ils soient privés de connaissance, de telle sorte qu'ils tendent toujours au meilleur. Et pour Saint Thomas, ils ne peuvent tendre à cette fin que parce qu'ils sont dirigés par un Etre intelligent et connaissant , comme la flèche par l'archer.

Ainsi le caméléon change de couleur pour se fondre dans son environnement et se protéger des prédateurs. De même, lorsqu'un environnement devient pollué, les caractéristiques des animaux vivant dans cet environnement changent pour qu'ils puissent résister à cette pollution. Ainsi pour Saint Thomas, ce ne peut être que la main de Dieu qui suscite cette adaptation.

Voltaire reprendra cet argument à sa manière. Il dit à propos du fonctionnement du monde, " Croyez-moi, plus j'y pense, et moins je puis songer que cette horloge existe et n'ait pas d'horloger ". Rousseau le reprendra également : L'harmonie du monde ne peut être le résultat d'un mécanisme aveugle; il faut poser une intelligence, une " volonté puissante et sage" à leur origine.

Tout cela paraît bien convaincant, n'est-ce pas ?
 

Les réticences de la théologie protestante

Il faut cependant insister sur un point. Toutes ces preuves présupposent que " Dieu, principe et fin de toute chose, peut être connu avec certitude par la lumière de la raison humaine à partir des choses créées car, comme le dit l'Epître de Paul aux Romains (1,20), depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu se laissent voir à l'intelligence par ses œuvres " (Vatican I, 1869-1870, Constitution Dei Filius).

Mais, à la différence de la théologie catholique, la théologie protestante refuse, en général, que l'homme, par la seule lumière de sa raison, puisse formuler les preuves de l'existence de Dieu. Le théologien Karl Barth expose trois raisons pour justifier cette attitude :

  • Prétendre connaître Dieu, et encore plus le prouver, c'est concevoir et prouver un Dieu à l'image de l'intelligence de l'homme. C'est faire de Dieu une invention de l'homme. C'est en faire ce que la Bible appelle une idole.
  • L'intelligence de l'homme n'est pas apte à concevoir les choses divines. Alors que Saint Thomas considère que le péché originel infecte seulement la volonté de l'homme, pour Karl Barth, il infecte aussi son intelligence.
    Ici on pourrait dire que Karl Barth prend le contre-pied de l'argument de Descartes. Descartes dit : " J'ai les ailes plus grandes que mon nid (c'est-à-dire j'ai l'idée d'un infini alors que je suis fini) et ceci me permet de donner une preuve de Dieu". Karl Barth répond : " Je ne peux sauter plus haut que mon ombre, donc Dieu n'est jamais à portée de ma connaissance, de ma pensée et de mes preuves ".
  • La théologie catholique considère que l'homme a la possibilité de connaître Dieu (et éventuellement de le prouver) parce qu'il a quelque chose de commun avec Dieu : l'être. Mais Karl Barth, lui, considère qu'il n'y a aucune analogie entre l'homme et Dieu. Et c'est pourquoi Dieu en lui-même est hors de portée de l'homme. De plus il considère que prétendre connaître Dieu, c'est, d'une certaine manière, se placer au-dessus de lui.

Pour Karl Barth, Dieu en lui-même est tout autre. Il est d'un autre ordre, dirait Pascal. Ce n'est que par le "Dieu pour nous" (dans sa Parole, sa révélation et son incarnation en Jésus-Christ) qu'Il nous est accessible. En ce qui concerne " Dieu en lui-même ", seul le silence est grand, tout le reste est invention.

Alain Houziaux