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Dieu nous fera-t-il justice ?

Prédication prononcée le 26 juillet 2020, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot

La mode aujourd’hui dans nos églises est de dire que Dieu est amour, bonté, pardon etc... C’est bien agréable, mais cela laisse de côté une question importante qui est celle de la justice. Peut-on penser que Dieu, en acceptant tout, et en ne punissant personne, puisse, dans le fond, être injuste, et se moquer du mal ?

Le problème, c’est que nous, souvent, nous pouvons être en but à de l’injustice. Il y a du mal qui nous arrive sans que nous l’ayons plus mérité que d’autres ; ou nous devons supporter de la méchanceté de la part de certains, de la violence qui nous blesse profondément. Comment Dieu réagit-il par rapport à cela ?

Si Dieu est justice, alors il doit dédommager celui qui a été lésé, punir le coupable, rétablir dans son droit celui qui en a été privé. On parle peu de cela. Pourtant c’est essentiel, et sans justice, il n’y a pas d’amour, seulement de l’indifférence ! Il y a là une tache aveugle de la théologie de notre temps. Au Moyen-Âge on était beaucoup plus sensible à cela, et on ne pouvait imaginer un Dieu, même d’amour qui ne soit pas un Dieu juste.

Or la rétribution, ou la punition, se trouve partout dans l’Evangile. La compensation de celui qui est lésé est le fonds des Béatitudes : « heureux ceux qui pleurent... ceux qui sont persécutés, qui ont faim...» car Dieu, d’une certaine manière, retournera la situation pour eux et ne les laissera pas dans la souffrance.

Mais le problème est : sera-ce dans ce temps, ou dans l’autre temps ? Il peut s’agir de promesses pour l’au-delà, mais évidemment que cela doit être aussi pour dès à présent, dans ce monde ci. L’Evangile n’est certainement pas un appel à juste supporter le mal en attendant la mort. D’ailleurs dans le dialogue avec les disciples après l’épisode du jeune homme riche, Jésus insiste bien pour dire que ceux qui auraient tout quitté pour le suivre auront en compensation cent fois plus des maisons, enfants, parents et terres dans l’autre monde, « présentement dans ce temps-ci , et dans les siècles à venir la vie éterrnelle » (Marc 10:30).

Mais cette compensation pour aujourd’hui, de quelle manière peut-on l’attendre ? Matériellement, ou dans une autre dimension ? A priori en tout cas autrement : Dieu ne donne pas des maisons ou des terres à ceux qui le servent, et celui qui donne s’appauvrit évidemment matériellement, mais s’enrichit spirituellement. D’ailleurs, quand le Seigneur dit qu’il y a « plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes 20:35), c’est bien que Dieu compense autrement ce que l’on perd terrestrement.

Il faut donc reprendre sérieusement toutes ces questions pour essayer de comprendre si oui ou non nous pouvons vraiment attendre que Dieu nous fasse justice et si oui, comment alors ?

1. Dieu rétribuera dans l’autre monde.

Dire que Dieu fera justice dans l’autre monde est un peu facile et ne nous aide pas forcément pour ici-bas... Mais en fait cela n’est pas dépourvu de valeur. Cela peut inciter à faire confiance à Dieu qui réglera ultimement les comptes. Il n’y a donc pas besoin de se venger ni de tenter de se faire justice soi-même, Dieu voit tout, et si moi j’ai été lésé, je serai reconnu et rétabli dans mon droit et mon honneur. Cela, comme beaucoup des doctrines calviniennes a une grande vertu, c’est de tranquilliser et d’éviter de se cristalliser sur le mal. Je crois que Dieu fera toute chose bien comme il faut, et ne laissera de toute façon pas le mal impuni ni la victime lésée, je peux donc me détacher de la question même en la remettant à Dieu avec confiance. C’est à cela qu’exhorte Paul quand il dit : « ne te venge pas toi même et laisse faire la colère de Dieu » (Rom 12:19).

2. Que faire alors en attendant dans ce monde ?

Que faire alors dans ce monde en attendant cette justice divine et dernière ? La première réponse est : « rien » ! Le monde est injuste, il faut le savoir, et ce n’est pas grave, parce que Dieu, lui, n’est pas le monde et n’est pas du monde. Ce n’est pas Dieu qui est injuste, c’est le monde. Il faut donc se distancer du monde, se dé-préoccuper de ce monde qui n’est qu’apparences et mensonge pour vivre en Dieu qui lui est d’un autre ordre. On a alors dans ce modèle une foi qui invite à se couper du monde, voire à s’en désengager pour trouver ailleurs son accomplissement dans un souci du seul spirituel où tout ce qui concerne le monde ne compte pas.

Mais je crois que ce serait faux. Et en tout cas, l’Evangile n’invite pas à sortir du monde, ni à s’en couper, il ne prêche pas un mépris du monde comme dans les religions de l’Inde, mais il est une religion de l’incarnation. La question n’est pas de sortir du monde pour aller à Dieu, mais il nous est présenté un Dieu qui justement vient en Jésus Christ se risquer dans le monde. Et donc on peut bien penser que Dieu donne, même dans ce monde, bien des choses à celui qui est éprouvé ou lésé par des événements ou des personnes matérielles. Et cette aide de Dieu peut être comprise de différente manière.

Compensation spirituelle

La première compensation des injustices que Dieu peut offrir, même dans ce monde est évidemment d’ordre spirituelle. Dieu offre sa grâce à chacun, aucun n’en est privé et elle est à disposition. Cela veut dire que toujours, et sans condition préalable, on peut toujours trouver en Dieu le recours, la compréhension, la justice dont nous pouvons avoir besoin. Mais si Dieu donne une compensation, ce n’est que par des dons d’un autre ordre que matériel, ce qu’il donne est d’ordre spirituel : de la joie, de l’amour, du sentiment d’être compris, inconditionnellement accepté et pardonné, du bonheur, de la paix et de l’harmonie.

Ainsi quand le Christ promet aux disciples que Dieu leur donnera mille terres, maisons, femmes et enfants en compensation de ce qu’ils auraient perdus pour lui, même en ce temps, on ne peut pas le comprendre matériellement. Bien sûr que celui qui est veuf n’aura pas mille épouses sur cette terre. On ne peut donc comprendre ça que comme une image, et une compensation dans un autre ordre.

Ainsi Dieu ne donne-t-il pas rien en attendant qu’il rétablisse tout comme il faut quand nous serons totalement dans son royaume. Le juste même bafoué matériellement peut mettre sa joie en l’Eternel et trouver un bonheur formidable. Dieu est source de mille biens, et si faire le bien ne donne pas des chances matérielles, la récompense est formidable en bonheur et en paix intérieure. Dieu donne sa grâce et tous les dons spirituels qui peuvent nous permettre de supporter tranquillement toutes les injustices et les épreuves du monde.

Inversement, on peut penser qu’il y a aussi une forme de justice immanente à l’encontre de ceux qui font le mal et qui parviennent néanmoins à passer à travers les filets de la justice humaine. On ne peut pas s’épanouir, ni vivre vraiment en paix intérieurement en faisant le mal. Le mal est mal et fait du mal à la victime comme au bourreau qui s’y adonne.

Compensation indirecte psychologique

On peut ensuite trouver une forme de compensation offerte par la foi dans un mécanisme psychologique : Dieu est pour le fidèle une source d’espérance, par la foi que celui-ci a en lui. Dieu agit dans le fidèle, et lui permet de trouver la force de ressusciter, de se relever et de repartir, de surmonter toutes les épreuves. Ainsi, peut-on dire, Dieu nous donne le moyen de ne jamais rester victime du mal, mais de parvenir à compenser l’injustice, de se redresser et de repartir, faisant en sorte que le mal n’aura servi à rien, et aurait été annihilé en étant rendu sans effet. Il ne faut donc jamais désespérer, le mal peut toujours être surmonté, et jamais Dieu ne permet que la victime soit enfermée dans le mal qui lui a été imposé. C’est le sens de la demande du Notre Père: « ne nous laisse pas enfermés dans la tentation ».

Compensation terrestre

Mais, et encore indirectement, on peut penser que grâce à Dieu, une certaine justice soit possible sur cette Terre. C’est important car il reste dans ce monde des injustices, et certains ne parviennent pas à les dépasser eux-mêmes, même avec l’aide de Dieu. Dieu ne se préoccupe-t-il pas alors que certains soient écrasés par l’injustice ou l’épreuve et ne parviennent pas à s’en relever ? Bien sûr qu’un Dieu de compassion ne peut pas rester indifférent. Quant à son action, on peut croire que Dieu n’agit pas directement dans le cours des événements du monde, en tout cas rapidement. Dieu influe, influence, infléchit, Dieu fait évoluer, il pousse le monde, il le crée, mais en douceur, sans faire violence aux lois de la nature elle-même. Et le moyen d’action le plus rapide pour Dieu dans le monde aujourd’hui sont les fidèles. Nous sommes l’armée de Dieu, ses phalanges, ou pour parler plus bibliquement son corps, ses oreilles pour entendre le cri de l’opprimé, ses mains pour le prendre par la main, ses épaules pour le porter et ses bras pour le prendre et le soulever hors de la fange. Spinoza ainsi disait les mains de Dieu sont nos propres mains, Dieu n’agit pas dans des situations extérieures pour rétablir les choses de l’extérieur, mais il peut susciter des acteurs fidèles pour accomplir sa volonté et travailler à l’avancement de son règne de justice sur cette Terre.

La question n’est donc pas tant de s’interroger sur ce que fait Dieu, mais plutôt de savoir ce que moi, je dois ou peux faire pour accomplir sa volonté qui est évidemment justice. En ce sens, le rôle humain est un rôle divin, et la justice humaine doit se sentir au service d la justice divine pour rétablir le droit et défendre le plus faible.

Croit-on vraiment qu’il ne puisse y avoir de justice dans ce monde ? Si, la justice de Dieu se réalise dans le fait que des personnes s’engagent pour la justice, Dieu agit par nous et nous demande de nous engager dans la justice. Chacun doit se sentir responsable de construire un monde matériellement plus juste.

3. Et la mort du Christ là-dedans ?

Cet événement fondamental est au cœur de la question qui nous occupe. Il s’agit en effet d’une souffrance et d’une mort les plus injustes qui soient. Tout ce qui concerne la croix du Christ et ce qui a suivi est en soi une leçon de théologie.

Ce que Jésus fait de son vivant avec l’aide de Dieu :

Jésus donc sera sans cesse en but à de la haine et de l’injustice, jusqu’à la mort. Mais à aucun moment il n’a vraiment douté. Il a tout surmonté avec courage et confiance en Dieu son sauveur. Et il n’a jamais renoncé à croire en Dieu, ni au sens de sa mission, ni à l’amour. Ce qui est essentiel, c’est avant tout qu’il n’a jamais voulu se complaire dans le rôle de victime. Il a juste accepté les faits en en transformant le sens. Il a repris la main sur les événements en donnant aux événements un autre sens que celui de l’injustice ou du mal qui avaient pu les susciter. Ainsi dit-il : « ma vie, personne ne me la prend, c’est moi qui la donne » (Jean 10 :18). Avec l’aide de Dieu, tout mal peut être transformé en bien.

C’est d’ailleurs une part du message des Béatitudes : heureux ceux qui sont persécutés, pauvres, affamés etc... parce qu’ils sont en marche, et cette épreuve peut justement les conduire dans des domaines spirituels formidables, ou à faire des choses extraordinaires. Le mal qui contrarie notre confort nous force à inventer, à être créatif... Que faire des données brutes de notre vie ? Bonnes ou mauvaises ? C’est ça le travail de notre vie, c’est à nous de donner sens à ce que nous vivons, et nous n’avons rien à subir.

Il n’est pas question, là, de rétribution dans l’autre monde, c’est ici-bas que celui qui pleure peut apprendre à rire, et que l’affamé peut être rassasié, peut-être d’une manière inattendue, d’une autre manière. Parce que Dieu ne revient jamais en arrière ! Mais nous avons une promesse : c’est que quoi qu’il arrive on peut en faire un trésor ! Oh certes, il n’est pas toujours facile à trouver... pour cela, il faut se rendre disponible, travailler à se tourner vers l’avenir et non le passé. Et notre bon Dieu créateur peut nous donner des trésors à partir même de ce dont nous avons été privés. Mais autrement ! Toujours autrement, toujours par du neuf, par un acte de création faisant que l’avenir ne se déduit pas du passé. Ainsi Jésus dit-il à Pierre après l’épisode du Jeune Homme riche : « il n’y a personne qui ne perde à cause de moi femme enfants etc... qui n’en reçoive dix fois plus... » mais d’une autre manière. Une personne, par exemple qui aurait la peine de ne pas avoir d’enfant dans la chair, avec l’aide de Dieu peut ne pas se cristalliser là-dessus, mais trouver un autre mode de fécondité autrement plus extraordinaire lui permettant de cesser de se définir comme privé d’enfant.

Mais si la victime en meurt ?

Ce que l’on voit donc, c’est d’abord que Dieu ne fait rien concrètement lui-même pour empêcher Jésus d’être l’objet de l’injustice, mais il va agir indirectement. Il n’empêche pas la mort de Jésus, mais il ne laissera pas le Christ victime de la haine et de la mort. Il va le rétablir, et ce Jésus qui aura été écrasé au plus bas par la traîtrise, l’obscurantisme et la haine, il sera élevé au plus haut pour être source d’espérance et de vie pour des générations et des générations.

Cela est essentiel et nous permet d’aller plus loin dans notre réflexion. En effet, nous avons montré comment Dieu peut aider la victime à se relever, comment celle-ci peut être aidée par d’autres aussi... Mais il y a des cas extrêmes où la personne même est détruite physiquement par l’injustice, brisée, ou même morte sans qu’il y ait donc la moindre possibilité de relevée terrestre. C’est l’exemple du Christ.

Ce qui reste dans l’autre monde, après notre mort, ce n’est pas rien. Dieu ne laisse pas périr dans le néant celui qui aura même été tué par injustice. Car ce que Dieu donne est justement ce qui est immortel, donc les compensations d’ici-bas sont pour toujours, comme le vin des Noces de Cana qui vient précisément parce que l’ancien manque, mais qui est encore meilleur et qui lui ne s’éteint point. Ce que Dieu donne ce sont les trésors qui ne rouillent pas et que les voleurs ne peuvent percer ni dérober...

Ainsi en est-il ultimement pour le Christ : Dieu l’a comblé, et souverainement élevé, et cette valeur infinie qu’il a obtenue par sa vie et sa mort demeure même après sa mort.

C’est là le message de la résurrection : ce qui est vraiment de valeur fondamentale demeure quand tout ce qui est de l’ordre du visible disparaît dans la mort. Or Jésus était entièrement uni à Dieu, et ainsi tout ce qui était en lui était donc de valeur éternelle. Jésus ainsi a pu être privé de tout ce qui nous semble compter dans notre dimension terrestre : il se retrouve sur la croix, privé de tout : pas de descendance, plus d’amis, ni de soutien, ni de richesse, ni de réussite professionnelle, n’ayant qu’abandon, trahison, mensonges, échec, souffrance, et mort... Et pourtant aujourd’hui, nous disons que Jésus a la vie la plus grande qui ait jamais été dans l’humanité. Cela montre que la valeur d’un être, ce qu’il est, et ce qu’il apporte au monde n’est pas limité à sa vie terrestre, il reste quelque chose, comme une trace indélébile dans le monde, trace éternelle. Même après sa mort, Jésus continue à apporter beaucoup au monde.

Cela c’est quelque chose que tout le monde peut expérimenter à son niveau, notre vie ne se limite pas à nos petites réussites matérielles, ni à nos blessures d’amour propre... mais elle a sa consistance fondamentale dans tout le reste qui est offert par Dieu.

Dieu est amour... mais il est aussi justice, ainsi dit le psalmiste : « Jamais tu n’abandonnes ceux qui te cherchent » (Ps 9:11). Ayez confiance, Dieu ne laisse pas la victime à l’injustice. Il l’aide à trouver une autre justice, et il le rétablit pour l’éternité.

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Marc 10:26-30

26Les disciples s’étonnaient encore davantage et se disaient les uns aux autres : Alors, qui peut être sauvé ? 27Jésus les regarda et dit : Cela est impossible aux hommes, mais non à Dieu, car tout est possible à Dieu. 28Pierre se mit à lui dire : Voici que nous avons tout quitté et que nous t’avons suivi. 29Jésus répondit : En vérité, je vous le dis, il n’est personne qui ait quitté, à cause de moi et de l’Évangile, maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou terres, 30et qui ne reçoive au centuple, présentement dans ce temps-ci, des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des terres, avec des persécutions et, dans le siècle à venir, la vie éternelle.

Rom 12:9-21

9Que l’amour soit sans hypocrisie. Ayez le mal en horreur ; attachez-vous fortement au bien. 10Par amour fraternel, ayez de l’affection les uns pour les autres ; par honneur, usez de prévenances réciproques. 11Ayez de l’empressement et non de la paresse. Soyez fervents d’esprit. Servez le Seigneur. 12Réjouissez-vous en espérance. Soyez patients dans la tribulation. Persévérez dans la prière. 13Subvenez aux besoins des saints. Tâchez d’exercer l’hospitalité.

14Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas.
15Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent. 16Ayez les mêmes sentiments les uns envers les autres. N’aspirez pas à ce qui est élevé, mais soyez attirés par ce qui est humble. Ne soyez pas sages à vos propres yeux.
17Ne rendez à personne le mal pour le mal. Recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. 18S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. 19Ne vous vengez pas vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère, car il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. 20Mais
Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ;
S’il a soif, donne-lui à boire ;
Car en agissant ainsi,
Ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête.
21Ne sois pas vaincu par le mal, mais vainqueur du mal par le bien.

Marc 10:26-30, Rom. 12:9-21