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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

666, le nombre de la bête

Prédication prononcée le 20 mars 2011, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

On trouve dans l'Apocalypse (au chapitre 13) ce célèbre « 666 », « le nombre de la bête », et ce nombre assez mystérieux a fait couler beaucoup d'encre.

Il a d'abord donné le mot le plus long de la langue française : hexakosioihexekontahexaphobie, 29 caractères pour désigner la peur du nombre 666. Mais plus sérieusement, beaucoup ont essayé de savoir ce qui pouvait bien se cacher sous ce nombre mystérieux. Et on peut trouver nombre de solutions. En hébreu, comme en grec, les lettres ont aussi valeur de chiffres, on peut ainsi prendre un mot et additionner la valeur de chaque lettre. En choisissant bien, on arrive toujours à tomber sur le résultat que l'on veut. On a ainsi voulu y trouver le nom de Néron, puis de Domitien, quand on a su que ce serait plutôt lui qui aurait persécuté les chrétiens, d'autres y voient le nom d'Hérode... Plus tard, les catholiques on voulu y voir, sous une certaine forme, le nom de Luther, et les protestants le nombre du Pape : « vicaire du fils de Dieu ». On y a trouvé aussi le nom de Mahomet, Tolstoï dans Guerre et Paix dit qu'il s'agit de Napoléon, et plus récemment certains ont pensé que c'était Hitler qu'il fallait lire sous ce nombre.

Toutes ces recherches sont distrayantes, mais elles sont, on peut le croire, de fausses pistes. Chacune de ces interprétations enlève au texte son universalité. Si c'est d'un personnage historique disparu qu'il s'agit, alors ce texte ne me concerne plus. Or on peut croire que tout texte biblique parle à chacun dans son aujourd'hui et maintenant. Il faut donc trouver une explication qui soit anhistorique, et il n'y a pas besoin de chercher des noms, les nombres ont dans la Bible un sens en eux-mêmes.

La première qui vient à l'esprit, c'est que 6, c'est le nombre du mal par excellence, parce que c'est 7 moins 1. Or 7 c'est le nombre de la perfection de la création (faite en 7 jours), c'est l'union du matériel qui est le 4 (les 4 éléments, les 4 points cardinaux) et du spirituel qui est le 3 (comme la Trinité). Le 6, c'est donc le 7 auquel on retire le 1 qui est Dieu (Ecoute Israël, l'Eternel est UN). Il ne signifie donc pas seulement l'ignorance de Dieu, mais le refus de Dieu, son rejet en connaissance de cause.

Donc 666, c'est le 6 trois fois répété, le mal absolu, l'opposition à Dieu, c'est bien le nombre du Diable, de la bête, et il est vrai que cela peut faire beaucoup de mal, de dégâts.

Ce n'est l'athéisme qui est visé, mais le refus de l'Esprit. Beaucoup de nos contemporains se disent athées, mais ils sont surtout agnostiques, ou anticléricaux. Le vrai refus de Dieu dont il est question ici est le rejet de ce qu'il représente : rejet de la vie, de l'amour, du pardon, de la paix. Cela est extrêmement grave. C'est ce dont il est question dans l'Evangile à propose du seul péché qui ne peut avoir de pardon : le «blasphème contre le Saint Esprit». Le fait de ne même pas croire dans le pardon, dans la grâce ou l'amour est une chose qui coupe de la vie elle-même.

Mais dire que 666 est le nombre du mal par excellence, et du refus de Dieu n'explique pas vraiment le texte, ni ce qu'il peut nous dire de plus. En particulier, cela n'explique pas cette histoire qu'on ne puisse plus ni acheter ni vendre sans avoir ce nombre écrit sur la main et le front. Et puis la mise en garde contre le mal absolu ne touche pas grand monde. Rare sont ceux qui pourraient relever du 666. Rare sont ceux qui sont vraiment méchants et qui mettent la haine et le refus de la vie comme un principe ultime.

Or il y a dans le texte un indice qui peut permettre d'aller plus loin : il est écrit : « Que celui qui a de l'intelligence calcule le chiffre de la bête, c'est un chiffre d'homme ». Qu'est-ce que l'homme a à faire là dedans ? La réponse qui peut venir à l'esprit est que l'homme a été créé le 6e jour. Donc on peut lire le « 6 » comme le chiffre de l'homme, de l'humain, du purement humain. De l'humain sans Dieu, de l'humain avant le 7e jour où il y a la bénédiction. Pour être dans le 6, on peut en effet faire 7 moins 1, refuser Dieu, mais aussi ne pas savoir aller jusqu'au 7, s'arrêter en route. Or le 7e jour, Dieu a béni la création, c'est le jour de l'ajout de la dimension spirituelle, de ce qui permet de dépasser le matérialisme pur.

Et il n'y a pas que le mal, la violence, ou la haine qui font du mal, il y a aussi tout ce que nous faisons quand nous oublions Dieu. Et cela peut nous concerner tous, sans être des monstres, souvent, nous avons tendance à oublier Dieu, à agir sans prendre en compte l'amour, sans grâce, sans pardon, sans avoir le recul de l'Esprit.

Et c'est ça qui nous guette, qu'on finisse pas ne plus savoir acheter ou vendre sans être marqué du signe de cet oubli de l'Evangile. Et que ce signe soit sur notre main et notre front, c'est dire sur nos actes et nos pensées, qu'on ne sache plus agir ou penser que d'une façon purement humaine ou matérialiste.

Or on peut acheter et vendre, ce n'est pas un mal, mais il ne faut jamais oublier que celui à qui l'on achète ou celui à qui l'on vend est un enfant de Dieu. On peut faire des affaires dans ce monde, mais sans être esclave ni du monde, ni des affaires. Sans que le profit soit notre but ultime, sans croire que l'efficacité matérielle puisse donner un sens à notre vie.

Peut être que c'est aussi là une explication au triplement du 6 en 666. Le 3 avons nous dit, c'est Dieu. Le danger, c'est de se faire une sorte de trinité purement humaine, au lieu de croire au Père, au Fils et au Saint Esprit, de croire en l'homme, en l'homme et en l'homme seulement, et ainsi de faire des affaires humaines son Dieu, son idéal, sa préoccupation ultime. Or « nul ne peut servir deux maîtres », et si l'on peut se servir de l'argent et de toute chose matérielle, il ne faut pas « servir » l'Argent, ou considérer que le monde matériel soit l'ultime, la chose la plus importante et essentielle de notre vie.

Ce qui s'oppose à cela, c'est non pas d'être marqué par le matérialisme purement humain, mais d'avoir le nom de Dieu sur fon front, de penser en référence à une transcendance spirituelle, que nos pensées et nos actes soient marqués par le questionnement évangélique.

Cela entraine de grands changements, une redistribution des valeurs, des priorités dans nos pensées et nos actions, et aussi le fait primordial de ne plus être marqué par un numéro, mais par un nom. Passer du numéro au nom, c'est passer du quantitatif au qualitatif, c'est pouvoir devenir soi même quelqu'un et pas seulement un numéro, un parmi d'autres. Le comble de la dépersonnalisation s'est trouvé dans les camps de concentration, quand les hommes n'étaient même plus des hommes, mais un numéro tatoué sur un bras. Dans le monde humain du travail, on n'est souvent aussi qu'un numéro, quelqu'un de remplaçable, voire une ligne de chiffre qu'un chef d'entreprise peut vouloir supprimer pour faire des économies. Mais dans le domaine spirituel, par rapport à Dieu, on n'est pas un numéro, mais une personne, « ne crains rien, je t'ai racheté, je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi ».

Il y a donc là un enjeu fondamental, une mise en garde sévère sur ce que nous voulons bien nous laisser déterminer et nous pouvons nous sentir menacés, en effet, souvent, nous oublions Dieu, on ne peut toujours penser à Dieu, ni tout faire en référence à lui ou avec une attention suffisante aux autres. Cela ne serait-il pas au delà de nos moyens ? La suite du texte nous montre qu'il n'y a pas à désespérer, et c'est encore dit avec des nombres.

Il est dit qu'il y aura 144 000 élus, c'est une bonne nouvelle et voici pourquoi.

Si était dit qu'il y aurait 77 000 élus, alors ce serait, en effet, désespérant. 7 étant le nombre de l'accomplissement de la création, ne seraient sauvés que ceux qui auraient parvenu à la perfection.

Si au contraire, il était dit qu'il y aurait, 44 000 élus, alors tout le monde serait sauvé, les hommes et les bêtes, les bons et les mauvais, Hitler comme mère Térésa ce serait généreux, mais n'aurait pas de sens.

Mais là nous avons 12x12 x1000 élus. Or 12 c'est le nombre des tribus d'Israël, des disciples du Christ, c'est le nombre de tous ceux qui se reconnaissent comme appartenant au peuple de Dieu, qu'ils soient parfaits ou non, la seule question étant de répondre à l'appel de Dieu, ou de vouloir y répondre.

C'est ce que les théologiens développeront sous le thème du salut par la foi : la foi n'est pas forcément le sentiment religieux, mais l'adhésion, le fait de vouloir répondre à la grâce, d'accepter de faire partie de ceux qui veulent construire leur vie sur et avec l'Evangile.

Le texte nous donne une belle image de cela : accepter d'être marqué sur son front du sceau du nom du Christ. Cela ne veut pas dire d'être parfait, mais que l'on veut appartenir à Dieu pour tenter de le servir au mieux.

Et nous avons même là une image de la grâce de Dieu, Dieu accepte de mettre son sceau parfait sur les natures imparfaites que nous sommes, tant que nous, nous le voulions bien.

Nous sommes ainsi invités à ce que nos fronts et nos mains soient marquées du nom de ce Dieu de l'Evangile qui est la grâce, la paix, le service, l'espérance, la vie et l'amour, et nous nous pouvons ainsi être au service de toutes ces si belles choses qui nous sont offertes.

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Apocalypse 13:11 - 14:3

Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau, et qui parlait comme un dragon. ...

Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. C'est ici la sagesse. Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête. Car c'est un nombre d'homme, et son nombre est six cent soixante-six.

Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts

Et j'entendis du ciel une voix, comme un bruit de grosses eaux, comme le bruit d'un grand tonnerre; et la voix que j'entendis était comme celle de joueurs de harpes jouant de leurs harpes. Et ils chantent un cantique nouveau devant le trône, et devant les quatre êtres vivants et les vieillards. Et personne ne pouvait apprendre le cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille, qui avaient été rachetés de la terre.

Apoc. 13:11 - 14:3