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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Jésus le guérisseur

Prédication prononcée le 14 novembre 2010, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

(Matthieu 1:1-5, Matt. 10:28-31, Jean 9:39-41)

C'est un paradoxe de notre foi moderne, nous n'attendons pas des pasteurs ou de Dieu qu'il nous guérissent, et pourtant, Jésus dans l'Evangile est montré comme faisant beaucoup de guérisons.

Face à ces guérisons du Christ dans l'Evangile, il y a deux problèmes : d'abord, les miracles, y croit-on, est-ce possible ? Certains disent « oui », d'autres « non »... Et il faut bien dire que si on peut y croire pour des petites guérisons pour des plus importantes comme par exemple même des résurrections de morts, c'est plus dur à croire. Et puis, si il y avait miracle à l'époque, Jésus est-il encore en mesure de faire les mêmes miracles aujourd'hui ?

Cette question des miracles de Jésus a été longtemps l'objet d'une querelle violente dans le protestantisme, entre les « libéraux » et les « orthodoxes ». Les orthodoxes, disant qu'il est très important de tout croire dans l'Évangile et que tout s'est bien passé comme c'est écrit, et les libéraux refusant de croire à ce qui leur semblait contraire à la raison, ils refusaient donc les miracles et les guérisons.

Aujourd'hui, ces querelles sont dépassées, on a résolu le problème en refusant de se poser cette question et en disant que dans les deux cas, l'important, ce n'est pas ce qui s'est passé, mais ce que ça signifie pour nous aujourd'hui et maintenant, donc, par delà le sens littéral, d'interpréter le texte en en faisant une lecture symbolique et théologique.

En effet, quand Jésus guérit un aveugle, je pourrais dire que cela ne semble me concerner, parce que moi, aujourd'hui, je vois bien, mais en fait si, je dois trouver en quoi, moi, je suis aveugle... Or il est vrai que je ne vois pas toujours clairement qui je suis, où je vais, qui est Dieu ou qui est mon prochain. La guérison de l'aveugle dans l'Evangile peut me montrer comment la foi, la recherche spirituelle, Dieu, ou le Christ, peuvent m' ouvrir les yeux pour voir l'essentiel qui n'est visible que par le cœur... Si vous « voyez » ce que je veux dire... justement vous utilisez le sens voir dans un sens qui n'est pas médical.

Et il en est de même pour toutes les guérisons : chaque infirmité représente l'une de mes propres infirmités possibles : le muet c'est celui qui a du mal à s'exprimer, l'homme à la main sèche a un problème d'action, le paralytique n'avance plus dans sa vie, il est immobile, le lépreux a un problème de culpabilité et d'exclusion... Toujours on peut trouver ce que chaque récit signifie pour nous.

Cela est bien, mais en fait ça masque la question : Jésus a-t-il vraiment guéri le lépreux, et a-t-il vraiment ressuscité Lazare ? On dit qu'on n'a pas le droit de poser la question, et si l'on veut la poser quand même, pourquoi pas ?

On a l'impression qu'il n'y a que deux solutions : soit le récit dit un miracle, soit il est un roman. Si il y a eu vraiment guérison, alors il faut y voir une preuve de puissance divine du Christ, ou alors les textes sont des mythes, des sortes d'inventions, de contes et légendes orientales.

Or, aucune de cess deux solutions ne me plait, je dois dire.

La lecture littérale me pose problème : on dit d'habitude que ces miracles sont des preuves de la divinité de Jésus, qu'il est capable de faire des choses extraordinaires. Mais cela me pose deux problèmes. Le premier est que cela donne une image de Dieu qui est très discutable: un Dieu qui gère tout, qui peut tout faire, d'un Dieu tout puissant et arbitraire. Or je ne crois pas que Dieu agisse comme cela dans le monde, pouvant rendre malade l'un, guérir l'autre, arrêter ou laisser une guerre, faire mourir, ou ressusciter. Dieu n'est pas une puissance magique et brutale dans ce monde, c'est une puissance douce, d'amour et de grâce.

Et puis, problème plus essentiel : si l'on croit que Jésus pouvait de son temps guérir et ressusciter des morts, alors question : pourquoi ne le ferait-il plus aujourd'hui ? Faudrait-il croire que le Christ ressuscité est moindre que Jésus de son vivant, moins puissant, peut faire moins de choses, or ça non, certainement pas. Ou alors, ce serait-il qu'il le pourrait, mais qu'il ne veut plus le faire ? Pourquoi alors ? Est-ce qu'il ne nous aime plus ? A-t-il changé par rapport à nous ? Non, ce n'est pas acceptable.

Il semble donc qu'il n'y ait que deux positions cohérentes.

Soit on croit que Jésus a fait des miracles, et alors on croit qu'il peut encore le faire : C'est ainsi dans certaines églises évangéliques, font des guérisons par imposition des mains au nom de Jésus, et il y a même certains pasteurs qui prétendent avoir ressuscité des morts. Mais si l'on croit cela alors on ne devrait pas faire de services funèbres, toujours attendre que Jésus ressuscite nos morts, nos enfants, comme il l'a fait de Lazare ou de la fille de Jaïrus. Or aujourd'hui non n'attendons pas cela, du moins dans l'Eglise Réformée. La preuve, c'est que dans les statuts des Associations Cultuelles réformées, il est dit qu'on est rayé des listes des membres électeurs, pour certaines causes, dont le décès. Cela suppose qu'on n'imagine pas que Dieu puisse le ressusciter pour qu'il puisse voter ! Cela montre bien que dans l'Eglise Réformée, on attend pas que Dieu ressuscite nos morts matériellement, on entend cette résurrection comme spirituelle, pas comme matérielle.

Soit donc, l'alternative, c'est de dire qu'aujourd'hui on n'entend ces textes de l'Evangile seulement spirituellement et alors il faut croire qu'à l'époque c'était déjà le sens qu'ils avaient, et qu'il n'y a jamais eu de miracle du temps même de Jésus, les textes ne sont pas historiques.

Mais alors ne me plait pas non plus. Parce qu'il faudrait croire alors que l'Evangile ne serait qu'un gigantesque conte de fées, un roman, un mythe, des contes et légendes orientales. Alors Jésus n'a jamais ressuscité Lazare, n'a jamais marché sur l'eau, ni multiplié les pains... Mais alors qu'est-ce qui est vrai dans l'Evangile ?

Je suis peut être un peut être trop naïf, mais je veux croire que l'Evangile n'est pas un roman, qu'il y a quelque vérité historique là dessous.

Alors que faire ? Il y a une troisième voie : dire qu'il y a eu vraiment guérison, mais pas vraiment de miracle, que le récit a une base juste et historique, mais a juste été un peu amélioré. C'est la lecture la plus crédible qui respecte le mieux l'Evangile. On peut dire donc que Jésus était un guérisseur, savait guérir par des connaissances empiriques et un charisme certain, un influx psychosomatique, il est vrai que bon nombre de maladies ont une forte composante psychosomatique. Aujourd'hui encore, il y a partout dans le monde des guérisseurs à main nue, dont on ne sait pas très bien comment ils opères, mais le fait est qu'ils opèrent des guérisons, ni plus, ni moins spectaculaires que celles de Jésus.

Ainsi par exemple dans la guérison de l'aveugle que Jésus fait en lui mettant de la salive sur les yeux, il paraît que c'est un procédé bien connu des médecins coloniaux, dans les pays chauds, l'homme peut se déshydrater, et alors l'humeur des yeux former une sorte de croûte salée opaque rendant aveugle, mais pour celui qui sait, il est très facile de la dissoudre avec un peu de salive. C'est sans doute ce qu'a fait Jésus sans qu'il soit nécessaire d'invoquer des puissances divines.

Il peut sembler qu'alors on dévalorise l'Evangile, et qu'on ne dit rien sur Jésus, mais au contraire. Ces guérisons nous disent alors déjà quelque chose d'extrêmement important, c'est qu'il se préoccupait de la dimension physique de ses interlocuteurs. Nous voyons que Jésus n'avait pas un discours disant que le corps n'est rien et que l'essentiel est d'avoir la foi, mais qu'il avait une prise en considération de la dimension matérielle de l'existence. Mais là, ce n'est pas par la puissance de Dieu qu'il guérit, mais en tant qu'il est homme. Parce que c'est la responsabilité de l'homme que de gérer la dimension matérielle de nos existences, ce n'est pas quelque chose à attendre de Dieu. Sinon, il faut arrêter la recherche sur le Cancer ou le Sida et laisser Dieu guérir lui-même s'il le veut. Alors il faut être cohérent, et faire comme certaine sectes américaines qui refusent de cotiser à la Sécurité Sociale, et de se faire soigner, en disant que c'est la volonté de Dieu qui s'accomplit et que l'homme n'y est pour rien.

Je crois au contraire que l'homme a un grand rôle à jouer, justement dans le domaine du matériel qui lui a été confié. Il a même une responsabilité. Donc il ne faut pas mélanger les domaines d'action de l'homme et de Dieu. Dieu, il est au Ciel et l'homme sur la Terre.

Jésus aurait pu dire à l'aveugle : « ce n'est pas grave, tant que tu as la foi, tu peux être heureux, l'important, ce n'est pas de voir physiquement mais de voir dans son cœur etc »... mais il n'a dit pas ça, il pouvait le soulager physiquement, et il l'a fait. Donc si aujourd'hui Jésus était parmi nous, il ne serait pas que pasteur pour prêcher la bonne parole, il serait aussi médecin, ou acteur social, en plus, parce que dire la bonne parole ne suffit pas.

La dimension physique de notre vie n'est pas rien, même s'il est vrai que le corps est moins important que l'âme, comme l'a exprimé le Christ : « ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps et qui ensuite ne peuvent rien faire, craignez plutôt ceux qui peuvent tuer votre âme... »

Et puis, il ne faut pas tout mélanger, il ne faut pas croire qu'aujourd'hui la foi pourrait guérir physiquement. La foi n'est pas une thérapie, ni contre les maladies physiques, ni même contre les maladies mentales. La foi, la prière, peuvent aider beaucoup dans sa vie, et même sans doute participer à la guérison physique, parce que le mental a une importance dans toute maladie, mais n'est pas forcément déterminante.

Et je ne dis pas ça pour dévaloriser la foi, mais plutôt pour déculpabiliser ceux qui sont malades. Par exemple ceux qui souffrent de dépression. Il ne suffit pas de leur dire : « allons, prenez vous en main » ; ou même de les culpabiliser en leur disant que s'ils avaient la foi, l'espérance, ils pourraient s'en sortir, ça peut être vrai pour les petites dépressions, mais pour les grosses, ce n'est pas vrai. Les maladies ne relèvent pas de la foi, et il ne faut pas tout mélanger.

La foi, elle peut être comparée à l'hygiène de vie, c'est comme faire du sport, marcher, ou faire un peu de course à pieds. Faire de la course, certainement contribue à être en bonne santé, et sans doute plus résistant, peut être moins tomber malade, mais si vous attrapez un cancer ou une pneumonie, ce n'est pas en faisant de la course à pieds que vous le guérirez.

Il ya même des cas où la foi, loin de donner une meilleurs santé physique peut la détériore, c'est le cas de ceux qui s'engagent pour les autres, ou pour le Christ au prix de leur santé. La foi n'est pas une garantie de tranquilité et d'absence de soucis, bien au contraire.

C'est ainsi que je me souviens d'une paroissienne que j'ai connue étant jeune pasteur, qui était un peu dépressive, elle venait souvent me voir pour que je l'aide, je l'ai un peu accompagnée, mais je ne lui ai jamais laissé croire que je pourrais vraiment la guérir. Déçue, elle est allée voir un autre pasteur qu'elle connaissait parce qu'il m'avait précédé dans mon poste. Mais il lui dit : « Madame, je ne suis pas venu pour guérir les malades, mais pour rendre un peu malades les biens portants ». Encore plus déçue, elle est revenue vers moi qu'elle a trouvé finalement pas si mal, et progressivement elle est allée mieux.

J'ai toujours aimé cette remarque de mon collègue et en même temps été choqué par elle. Je pressentait que c'était un peu vrai, mais en même temps anti évangélique : Jésus n'a-t-il pas dit : « je suis venu non pas pour les bien portants, mais pour les malades... ». Mais quand il disait cela, ce n'était pas pour des malades médicaux, c'était pour parler des malades de la foi, des pécheurs, de ceux qui ont un défaut d'amour, de foi, ou d'espérance. Et en cherchant mieux, j'ai même trouvé que le Christ dit la même chose : après la guérison de l'aveugle né dans Jean (ch9) : « je suis venu pour un jugement, afin que ceux qui voient deviennent aveugles et que les aveugles voient ». Il y a donc du vrai dans cette vision des choses.

Donc Jésus a guéri des gens, mais là n'est pas là l'essentiel. D'ailleurs, certainement Jésus a dû guérir beaucoup plus de gens qu'on ne le dit dans l'Evangile, donc on n'a raconté que certaines guérisons, qui sont justement celle qui peuvent servir de parabole pour autre chose, celles qui ont en plus un sens d'enseignement. Que l'on peut lire comme des paraboles.

Et là, oui c'est vrai, Jésus peut m'ouvrir les yeux, il peut me relever quand je suis à terre, terrassé par le doute, la peur, la difficulté, il peut m'aider à réapprendre à agir, Il peut me remettre en marche quand je suis paralysé de peur, de découragement, il peut me purifier, faire en sorte que je ne me sente pas exclu du monde, de la société parce que je me sens coupable ou impur...

Il peut même faire encore plus, il peut me faire marcher sur l'eau de la peur, il peut multiplier le peu de nourriture spirituelle que j'ai pour qu'elle me nourrisse, il peut transformer l'eau plate de ma vie en vin de joie et de folie, il peut même me ressusciter, me redonner la vie, me remettre ne vie quand je me morfonds et que tout le monde me dit fichu.

Et tout ça, ce ne sont pas des miracles peut-être ?

Donc je ne crois pas beaucoup aux miracles matériels, peut être, mais je crois que le Christ peut faire des miracles extraordinaires dans ma vie, il peut la transformer, la rendre rayonnante, pleine de joie, de confiance, d'enthousiasme, quelles que soient mes infirmités physiques... Et libéré d'une sorte d'obligation de croire à ce qui est contraire à tout ce que je vois, parce que dans le fonds, je sais bien que Dieu ne guérit pas de toute maladie, et ne ressuscite pas les morts physique, pas plus qu'il nous fait rajeunir, je peux dire et croire que ce psaume 103 est une bonne nouvelle pour moi et pour vous, c'est une vérité spirituelle des plus essentielles :

Bénis l'Eternel, ô mon âme, que tout ce qui est en toi bénisse ton saint nom,

Bénis l'Eternel, ô mon âme et n'oublie aucun de ses bienfaits !

Car Il pardonne toutes tes fautes, il te guérit de toute maladie

Il réclame ta vie à la tombe et te couronne d'amour et de tendresse

Il comble de bien tes vieux jours et te renouvelle, comme l'aigle ta jeunesse

Amen.

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Matthieu 1:1-5

Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Et il envoya dire par ses disciples : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?

Jésus leur répondit : Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez :

Les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres..

Matt. 10:28-31, Matt. 1:1-5, Jean 9:39-41