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Dieu et l'argent

Prédication prononcée le 10 septembre 2023, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

 

Le rapport à l’argent dans le christianisme est complexe, Jésus a eu des propos durs, voire désobligeants sur les richesses, et même sur les riches, mais il ne faudrait pas en conclure trop rapidement qu’il condamnerait unilatéralement l’argent et ceux qui en possèdent. Dans les évangiles, il n’est pas question systématiquement du bon pauvre et du mauvais riche. Zachée qui était très riche et ce, par des moyens pas franchement exemplaires, est montré en exemple par Jésus qui le dit sauvé (Luc 19), et il y a même une parabole particulière mettant en scène différents protagonistes de richesses différentes et c’est là le plus pauvre qui est le mauvais et le riche qui est le bon, et en plus cette parabole, qui est la parabole des talents valorise les banquiers (Matt. 25 :14ss) !

Il convient donc de faire une étude un peu plus approfondie pour essayer de comprendre ce que la Bible nous dit de ce sujet.

La richesse dans l’ancien testament

L’ancien testament a une position très wébérienne : la réussite matérielle est vue comme un signe de la bénédiction de Dieu. Ainsi les patriarches sont montrés comme possédant beaucoup, Salomon le grand roi est dit immensément riche. La raison pour laquelle les théologiens de l’ancien testament attribuaient la fortune à Dieu est sans doute qu’ils ignoraient alors les mécanismes économiques. Il se trouve qu’il y a des gens très riches et d’autres très pauvres, mais on ne peut pas toujours en dire vraiment la raison. C’est la même chose dans d’autres domaines, comme l’agriculture : chacun fait un peu ce qu’il peut, mais il y a d’importants facteurs qui nous échappent et qui peuvent mener à la famine ou à l’abondance. Pour la richesse, c’est un peu pareil, certes celui qui ne fait rien n’a rien, (encore qu’il peut hériter), mais aujourd’hui encore, nous ne pouvons pas toujours dire pourquoi l’un réussit et pas l’autre. Certes, il faut faire ce qu’il faut, travailler, être bon, mais cela ne suffit pas, il y a aussi un gros facteur de chance : il faut avoir la bonne idée, au bon moment, au bon endroit, et il y a des tas de gens tout à fait remarquables qui meurent dans le total dénuement ! Or l’ancien testament avait tendance à attribuer à Dieu tout ce qui ne dépend pas de l’homme : la météo, l’abondance des récoltes, la santé, la fécondité des épouses, et donc aussi la fortune. Aujourd’hui, nous ne pensons plus ainsi, nous savons que nous sommes en partie responsables de notre vie, mais qu’il y a des facteurs qui ne dépendent ni de nous ni de Dieu, mais sont dus à la chance, au hasard, c’est le cours du monde, la chance et la malchance tombent au hasard sans question de mérite ou de plan supérieur.

Néanmoins, il y a quelque chose sur lequel l’ancien testament est ferme, c’est l’ordre de la solidarité. Il peut y avoir des riches et des pauvres, mais il ne faut pas tolérer qu’il y ait des pauvres qui souffrent. Ainsi l’argent en soi n’est pas mauvais, mais ce n’est pas bien quand il devient source de maltraitance d’une personne. Les prophètes comme Amos et Michée en particulier ont condamné très fermement cette richesse quand elle écrase les plus faibles. Sur ce point, l’Evangile est d’accord, se préoccuper des pauvres et des malheureux est un devoir absolu.

Mais l’Evangile, s’il fixe les idéaux, ne tombe jamais dans la casuistique en définissant précisément la manière avec laquelle on doit aider. Ainsi, s’il l’on doit se préoccuper du plus pauvre et vouloir l’aider, l’un voudra donner directement à la main tendue, un autre voudra plutôt lutter en amont contre la mendicité en aidant des organismes de formation ou de réinsertion, un autre en aidant des centres d’accueil ; il n’y a pas une seule solution, à chacun son mode de solidarité. La seule attitude mauvaise, c’est celle du riche qui avait Lazare à sa porte et qui n’a strictement rien fait (Luc 16:19ss).

La richesse dans le nouveau testament

L’Evangile, lui, ne va plus attribuer la source de la richesse à Dieu, ni à soi-même. De même, les malchances, le mal incompréhensible (l’aveugle de naissance, la tour qui s’écroule sur les gens) n’a pas à être attribué à Dieu, et il ne faut pas chercher de raison pour l’expliquer, c’est comme ça, c’est le cours du monde. Il faut donc l’accepter et faire avec et faire avec. Ainsi Jésus invite-t-il à se dépréoccuper, se détacher de toutes ces conditions matérielles qu’on ne maîtrise pas totalement. C’est le sens de tout son discours dans le sermon sur la montagne à propos des soucis juste après son invitation à ne pas adorer Mamon (le dieu de l’argent) : le « ne vous préoccupez pas de quoi vous serez vêtu etc. » va dans ce sens (Matt. 6:19-34). Il faut reconnaître qu’il y a des conditions matérielles qu’on ne maîtrise pas et qu’on subit en grande partie.

Cela doit nous inviter à accepter toute situation matérielle comme assez secondaire. Que l’on soit riche ou pauvre, finalement, qu’est-ce que cela change ? Tant qu’on a quand même de quoi manger et un toit pour se protéger, avoir beaucoup ou peu n’a aucune importance, certains sont riches, d’autres pauvres, certains vivent ici, d’autres ailleurs, certains ont la peau noire, d’autre blanche, c’est comme ça. Ne souffre que celui qui ne sait pas se contenter de sa situation ! C’est ce que dit Paul : « J’ai appris à me contenter de l’état où je suis, j’ai appris à être riche et à être pauvre, à avoir faim et à être dans l’abondance, je puis tout par celui qui me fortifie » (Phil. 4:11-13). Paul encore, invitera chacun à rester dans l’état matériel où il se trouve, « si tu es esclave, reste esclave etc. » (I Cor 7:21). La situation matérielle, ou ne niveau de richesse n’est pas une question, il faut l’admettre sans culpabilité si l’on en a beaucoup, ou sans envie si l’on en a peu, et faire avec. Comme dit la sagesse populaire : « là où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute ».

La seule chose qui compte vraiment, c’est la qualité de son être. « Ne vous amassez pas des trésors sur terre.... » (Matt. 6 :19ss). La qualité de sa vie ne dépend pas du niveau de son compte en banque, mais de son propre état d’esprit et de la profondeur de son être, « Même dans l’abondance, la vie d’un homme ne dépend pas de ce qu’il possède » (Luc 12:15). La richesse matérielle, on ne la possède pas vraiment, on ne l’emporte pas avec soi pour l’éternité et on peut la perdre, la richesse spirituelle, elle nous est laissée pour toujours, les voleurs ne peuvent les percer ni la dérober. Ainsi celui qui mise tout sur sa réussite matérielle serait comme le mauvais riche de la parabole disant qu’il va construire de nouveaux hangars pour engranger sa récolte et se reposer alors qu’il peut mourir à l’instant (Luc 12 :16ss)

L’injustice dans l’aisance matérielle

L’apparente injustice des situations matérielles est un fait qui a été pris au sérieux dans la Bible. Il est vrai qu’il y a des pauvres qui souffrent sans qu’ils semblent plus coupables que d’autres et aussi des personnes méchantes ou mauvaises qui s’enrichissent d’une manière scandaleuse. On trouve à ces situations différentes réponses dans l’Ecriture. La première est celle du livre de Job : Dieu fait ce qu’il veut, nous ne pouvons comprendre, il a ses raisons et il faut s’y soumettre. La deuxième réponse est que ces situations apparemment injustes ne sont que temporaires, et qu’une rétribution remettra les choses en places dans l’autre monde. C’est ainsi que certains ont voulu comprendre les Béatitudes (Matt. 5:2ss) : les pauvres, ceux qui pleurent, les affamés et les persécutés auront une récompense et une compensation dans le royaume de Dieu. Pour plusieurs raisons on peut tout à fait contester cette lecture. L’Evangile est pour ici et maintenant, pas pour un demain hypothétique. Et la dernière solution est celle de l’Evangile : la situation matérielle est un état tout à fait secondaire et sans importance, l’essentiel est invisible pour les yeux. De toute façon, nous sommes nés nus, et retourneront nus en terre sans rien emporter, donc peu importe, cette dimension matérielle est sans aucune sorte d’importance, l’essentiel est ailleurs, dans la qualité de l’être, dans le don, la profondeur de ce qui est vécu , partagé avec les autres et transmis. Ainsi, le pauvre matériellement peut être riche pour Dieu, le plus petit sur terre peut être le plus grand dans le royaume de Dieu et précéder ceux qui se croient grands aux yeux des hommes.

Pourtant, l’Evangile ne prêche pas un détachement total comme le ferait l’hindouisme. Le spirituel et le matériel sont nécessairement liés, et il n’y a pas à opposer l’un à l’autre. Le croyant est en effet appelé à s’engager dans le monde, à soulager les souffrances matérielles, à donner aux plus pauvres. Il y a un engagement dans le monde qui implique que le croyant ne se désintéresse pas des questions matérielles, mais qu’il cherche dans sa foi une manière d’agir, de faire dans le monde, et donc aussi une manière de gagner son argent et de le dépenser. Ainsi peut-on dire que celui qui établit son propre budget de vie, fait une sorte d’acte spirituel qui révèle ses valeurs, ses priorités, et la part qu’il souhaite donner à chaque chose dans sa vie.

Dieu et Mamon

Quant au juste rapport à l’argent ou à la richesse auquel nous invite Jésus, il est le mieux exprimé dans cet enseignement : « Nul ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon. » (Matthieu 6:24) . Mamon, c’est, disent toutes les notes dans la Bibles, le Dieu de l’Argent. Les Mamônas étaient des statuettes araméennes représentant la richesse auxquelles des sacrifices étaient faits dans certains milieux populaires. Le problème, et ce qui est mis en cause n'est donc pas tant l’argent en tant que tel, mais l’argent quand il est personnifié, quand on l’aime ou le sert au lieu de le laisser à sa place d’objet. La vraie place de l’argent, c’est de rester comme un « util » selon le vocabulaire des traducteurs du philosophe Heidegger : quelque chose de purement matériel qui ne se définit que par rapport à l’usage utilitaire qu’on peut en faire.

Et la situation est encore plus grave quand l’argent n’est pas seulement personnalisé, mais est mis au statut d’idole, voire de dieu. Notre Dieu, c’est notre préoccupation ultime, ce dont on pense que ce peut être source de vie et de bonheur, et à une idole, on offre des sacrifices. Si l’argent prend cette place, s’il devient la première préoccupation, si on pense qu’il peut accomplir notre existence et qu’on est même prêt à lui sacrifier sa vie, alors on est, en effet, en grand danger, parce que la richesse n’est pas d’une importance ultime, elle n’est qu’une valeur passagère et volatile, et elle ne peut pas fondamentalement donner tout ce qu’on attendrait d’elle.

Cela doit nous faire voir que la question du rapport à l’argent n’est pas tant une question morale que spirituelle. L’argent, la richesse ne sont pas bons en soi, ce qui est en question, c’est le mode de rapport qu’on entretient avec eux.

Dieu et Mamon sont différents et incompatibles

C’est parce que le rapport à l’argent devient une question spirituelle que Dieu et Mamon sont non seulement très différents, mais aussi incompatibles.
D’abord parce que si ce qui est Dieu pour nous peut être défini comme notre préoccupation ultime, il ne peut pas y avoir deux premiers ! Le commandement d’amour dit qu’il faut aimer Dieu de « toute son âme, de toute sa force, de toute son intelligence... », on ne peut pas tout donner à deux entités en même temps. Il faut voir qui est en dessous de l’autre, qui est soumis à l’autre, qui sert l’autre. Si c’est la possession qui est au sommet de toutes ses préoccupations, alors c’est effectivement un problème. A l’inverse, quand le Deutéronome dit qu’il faut aimer Dieu « de toute sa force » (Deut 6 :5), le mot hébreu pour dire force est Me’oD, qui peut signifier, certes, la force, mais plus généralement l’abondance, ce que l’on a beaucoup, et donc la richesse aussi. Voici le secret : on peut servir Dieu avec sa richesse. Faire le contraire en trouvant le moyen intellectuel de justifier sa soif de pouvoir par une théologie discutable serait de l’idolâtrie.

Ensuite, l’argent et Dieu sont de natures totalement différentes. L’argent, comme une statuette d’idole, on peut le posséder. Le Dieu de la Bible, lui, est insaisissable, on ne peut pas l’enfermer, ni le contraindre, ni même le connaître totalement. On est donc en face de deux logiques différentes et incompatibles selon à quoi ou à qui on met sa confiance pour orienter sa vie. Soit on est dans la logique de posséder, soit au contraire, dans celle de se déposséder, de chercher la liberté, voire un certain détachement. Mettre Dieu au sommet n’est pas rejeter la richesse, ni n’en avoir aucune préoccupation, aucun souci, ou aucun goût, mais la laisser à sa juste place. Et la bonne relation à l’argent que suggère les propos de Jésus est de savoir qu’on ne le possède jamais vraiment, on peut le perdre, en avoir beaucoup, ou peu, mais il n’est jamais lié totalement à notre être. Ainsi peut-on le donner sans perdre de sa propre personne !
Et puis, quand Jésus dit qu’on ne peut servir Dieu et Mamon, on peut s’arrêter sur le verbe « servir ». Ce mot est fort et signifie en effet « être serviteur », voire « être esclave », et donc appartenir à quelqu’un. Il est toujours dangereux d’être esclave parce qu’on perd sa liberté et qu’on devient dépendant. Avec Dieu c’est différent, puisqu’il est précisément un maître qui nous rend libres, et qui fait de nous des maîtres. C’est sans doute l’un des messages de la difficile parabole du serviteur infidèle de Luc 16, seul autre passage où l’on retrouve le même mot « Mamon » pour désigner la richesse. Jésus dit de se faire des amis avec les « Mamona tès adikias », les « richesses injustes ». Ce qu’il invite à faire, c’est de se servir de Mamon, non pas de le servir, de prendre la main sur lui, d’en faire un moyen, et d’en être le maître au lieu de l’esclave.

Il semble d’ailleurs que l’origine, l’étymologie du mot « Mamon » vienne de ce mot « amen » que nous connaissons tous et désignant la vérité. Mamon signifie donc « pour la vérité », « pour être sûr ». C’est là le problème quand on croit que la richesse pourrait donner certitude ou vérité. La certitude et la vérité ne sont qu’en Dieu.

Le don, transgression économique

La Réforme a développé la thèse de la théologie des deux règnes. L’idée, c’est que le domaine du spirituel a sa propre logique, et que nous pouvons user du monde selon ses propres lois, il n’y a pas d’opposition entre les deux règnes. Mais les lois du monde ne sont pas des lois divines, elles ne conditionnent pas notre salut. C’est ainsi que les protestants ont été à l’aise dans les domaines des affaires, ou financiers, il y a des réalités économiques mues par des lois du marché, et sans les prendre pour des lois divines, on peut les utiliser pour vivre en société dans le monde. Mais cela ne veut pas dire que les deux règnes soient à égalité. Les lois du monde ne sont pas les lois divines, et nous n’y sommes pas soumis d’une manière absolue, nous restons libres par rapport aux lois du monde que nous ne faisons qu’utiliser pour vivre en société. Ainsi, pour le croyant, le profit (but de tout bon capitaliste) ne sera jamais ultime, et les lois du marché non divinisées, et il pourra montrer qu’il est libre par rapport à cette logique capitaliste en agissant parfois contre son propre profit. C’est ainsi que le don est le plus grand geste qui soit de liberté. Donner (sans rien attendre en retour) est faire un pied-de-nez aux lois capitalistes, c’est montrer qu’on est libre par rapport à elles, qu’elles ne sont pas divinisées, et qu’on est mû par une loi d’amour qui est supérieure à celles du profit. C’est ce que fait Zachée qui décide de donner la moitié de sa fortune, peu importe comment il l’a accumulée, il montre juste qu’il est libre par rapport à elle (Luc 19). C’est aussi ce que démontre la femme au parfum, le gaspillage du parfum d’un grand prix qu’elle répand sur les pieds de Jésus au grand dam des disciples, est un acte de foi réduisant le matériel à sa juste place (Matt. 26:6ss).

Le seul moyen d’être libre par rapport à Mamon, c’est de ne pas l’idolâtrer, et donc de savoir le profaner ! Il revient alors à sa juste place qui est de ne pas être sacré, d’avoir un rôle utilitaire et purement matériel.

Profaner Mamon

Le Nouveau Testament nous montre différentes manières avec lesquelles les premiers chrétiens ont essayé de vivre cette liberté par rapport à Mamon. La première qui était radicale était celle de la première communauté chrétienne dans les Actes des apôtres : tout donner, on se débarrasse de toute possession, et on vit pauvre. La deuxième était la vie en communauté totale : chacun ne possède rien... et n’est ainsi donc pas possédé par rien. C’était évidemment trop radical et excessif. Ne pas être esclave du monde ne veut pas dire faire comme si on pouvait vivre sans le monde. On voit d’ailleurs que cette première communauté s’est retrouvée rapidement dans une situation matérielle catastrophique faisant que Paul dû faire la quête dans tout le bassin méditerranéen pour subvenir à leurs besoins.

Paul lui-même sera plus réaliste trouvant la manière de cheminer entre l’utopie de tout donner, et la responsabilité d’accepter, au moins en partie, les lois du monde dans lequel nous devons vivre. Il va ainsi mettre en valeur différentes manières de vivre et de servir Dieu avec ses richesses. La première, nous en avons déjà parlé, c’est le don, ce qu’il formalise dans la collecte pour les plus pauvres. En II Cor. 9:12, il qualifie ce geste de leitourgia, ce qui signifie « service », mais qui renvoie aussi à un acte liturgique. Ainsi donner n’est-il pas juste un acte utilitaire pour quelqu’un ou pour une cause, c’est aussi un geste religieux. Et de plus il qualifie ce geste d’action de grâces. Donner n’est pas juste un acte matériel, c’est un geste qui a la dignité d’un acte cultuel, et dit quelque chose de notre relation à Dieu. Il est bon ainsi que dans nos cultes il y ait un moment de collecte. Symboliquement, l’un des moments les plus importants du culte, où le fidèle ne fait pas qu’écouter et recevoir, mais il s’engage, il agit, et il rend grâces par un geste gratuit de liberté.

Le deuxième service que mentionne Paul, manière de se servir d’une richesse, est le mécénat. Il cite Aquilas et Priscile, Philémon qui étaient évidemment riches et qui recevaient les premières communautés chrétiennes chez eux, et ont permis à Paul ou à certains missionnaires de vivre pour accomplir leur mission. Et enfin, Paul mentionne le bénévolat. Ainsi Paul lui-même, ou d’autres qui donnent de leur temps, de leur énergie pour annoncer l’Evangile sans aucun profit.
Dans tous les cas, le vrai antidote à Mamon, c’est-à-dire quand l’argent menace de prendre le pouvoir divin ou d’être pris pour Dieu, c’est le don. Le don est l’anti-Mamon par excellence. Le don gratuit, sans rien attendre en retour est une absurdité économique. En fait, le don, c’est la grâce. Et la grâce, ça n’existe pas chez Mamon, ni en économie. L’intéressement est la base du système économique, et de l’idolâtrie en général, c’est un poison qui menace même notre relation à Dieu, comme pour celui qui pense qu’en aimant Dieu ou qu’en priant, il pourrait avoir des avantages.

L’Evangile n’est pas contre les systèmes économiques, il suffit de voir la parabole des talents où Jésus n’a pas l’air de considérer comme scandaleux de confier son argent à des banquiers, mais il faut ne pas y être soumis, et ne pas en faire sa propre logique d’existence.

Quand les béatitudes disent : « Heureux ceux qui sont pauvres en esprit » (Matt. 5:3), précisant le simple « heureux les pauvres » de Luc (Luc 6:20), on peut comprendre que la question n’est pas tant d’avoir peu ou beaucoup, d’être riche ou pauvre, mais d’avoir un esprit de pauvreté. Il est un fait qu’il y a des pauvres qui ont un esprit de riche : ils ont peu, mais y tiennent, et ne veulent ni partager ni donner. Et il y a des riches qui ont beaucoup, mais qui ont un esprit de pauvres. Ils savent qu’ils ne possèdent vraiment rien jusque dans l’autre monde, et que tout est grâce, même ce qu’ils possèdent, et pour en faire grâce. La tentation du diable, c’est de nous faire penser que nous mériterions notre richesse. Or toute richesse est injuste, même celui qui pense avoir travaillé dur pour cela, il aurait pu naître dans un autre pays, ou moins intelligent, ou handicapé... Ainsi devons-nous voir tout ce que nous possédons comme une grâce, comme quelque chose qui nous est confié, puis le gérer rationnellement, intelligemment, en acceptant de jouer avec les lois de ce monde, mais sans être de ce monde qui a des logiques qui ne sont ni celles de notre vie, ni de notre être. L’argent-Mamon n’est pas Dieu, il n'est pas non plus l’étalon de valeur d’un être, ou la règle du jugement dernier. Ce qui donne sens à notre vie, ce n’est pas notre richesse en soi, mais c’est de savoir faire grâce. La grâce témoigne de la « liberté glorieuse des enfants de Dieu » (Rom 8 :21). La grâce, c’est de l’amour, pas du commerce. On peut faire du commerce, pas de problème, mais ce qui donne sens à notre vie, du poids, de la gloire, c’est l’amour qui est vécu et la grâce sur laquelle elle est construite.

 

Louis Pernot

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Matthieu 6:19-34

19Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, où les vers et la rouille détruisent et où les voleurs percent et dérobent, 20mais amassez des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne détruisent, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. 21Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
22L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera illuminé, 23mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres !

24Nul ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon.
25C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? 26Regardez les oiseaux du ciel : Ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? 27Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée à la durée de sa vie ? 28Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Observez comment croissent les lis des champs : Ils ne travaillent, ni ne filent ; 29cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. 30Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs qui existe aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne vous (vêtira-t-il) pas à plus forte raison, gens de peu de foi ? 31Ne vous inquiétez donc pas, en disant : Que mangerons-nous ? Ou : Que boirons-nous ? Ou : De quoi serons-nous vêtus ? 32Car cela, ce sont les païens qui le recherchent. Or votre Père céleste sait que vous en avez besoin. 33Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus. 34Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

II Corinthiens 9:7-14

7Que chacun donne comme il l’a résolu en son cœur, sans tristesse ni contrainte ; car Dieu aime celui qui donne avec joie. 8Et Dieu a le pouvoir de vous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours à tous égards de quoi satisfaire à tous vos besoins, vous ayez encore en abondance pour toute œuvre bonne, 9selon qu’il est écrit :
Il a répandu (ses bienfaits), il a donné aux indigents ;
Sa justice subsiste à jamais.
10Celui qui :
Fournit de la semence au semeur,
Et du pain pour sa nourriture,
vous fournira et vous multipliera la semence, et il augmentera les fruits de votre justice. 11Vous serez de la sorte enrichis à tous égards en vue de toute espèce de libéralité qui, par notre moyen, aura pour résultat des actions de grâces envers Dieu. 12Car le service de cette offrande, non seulement pourvoit aux besoins des saints, mais fait abonder de nombreuses actions de grâces envers Dieu. 13Vu la valeur de ce service, ils glorifient Dieu au sujet de votre obéissance à confesser l’Évangile du Christ et de la libéralité de votre communion envers eux et envers tous. 14Ils prient pour vous avec tendresse à cause de la grâce surabondante que Dieu vous a faite. 15Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable !

Matt. 6:19-34