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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Les 7 paroles du Christ

par Florence Blondon  (février 2013)

 

 

Les sept dernières paroles du Christ en croix

Le récit de la mort de Jésus nous est parvenu par les évangiles. Il n’est pas monocorde. Dès les pre- miers siècles, les communautés ont eu l’audace de nous transmettre quatre lectures pour un évé- nement, quatre évangiles comme mesure de fidélité et de conformité aux paroles du Seigneur. Et dans ces quatre évangiles, sept paroles prononcées par Jésus en croix.

Une ancienne liturgie de vendredi saint, axée sur la contem- plation de la croix, a placé bout à bout ces sept paroles. La tradition musicale luthérienne s’est emparée de cette litur- gie dès ses débuts avec des compositeurs comme Johann Hermann Schein et Heinrich Schutz. À travers cette dé- marche de foi et de piété, nous pouvons entendre la diversi- té d’approche des évangélistes. Sept paroles - sept comme chiffre de la globalité - qui nous dévoilent un Christ dans sa plénitude, de sa détresse et de sa confiance, de ses doutes et de son espérance. Plénitude, mais aussi choix contrasté des évangélistes, nous montrant ainsi qu’aucun ne détient la vérité. Redécouvrir la méditation sur les sept paroles a le mérite de nous permettre d’avoir une vision du Christ à travers les évangiles. Nous pouvons réentendre ces quatre récits de la vie de Jésus, à partir des paroles qu’il prononce sur la croix. Elles recèlent en elles-mêmes une immense intensité dramatique : le Golgotha devient un creuset où souffrance et espérance s’enlacent. Elles mettent en lu- mière le point de vue particulier que chaque évangéliste porte sur la vie du Christ. Sept paroles: une commune à Matthieu et Marc, trois paroles chez Luc et trois autres chez Jean. Les voici.

Dans les Évangiles selon Matthieu et Marc

« Mon Dieu, Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? ». En reprenant le deuxième verset du Psaume 22, c’est la douleur absolue de l’abandon qui s’exprime. La souffrance est devenue intolérable. Les muscles se tétanisent, le souffle manque, l’étouffement est atroce. Le cri retenti : cri de souffrance, cri de révolte mais qui dit que la relation est encore présente : « Mon Dieu ».

Cette reprise du psaume 22, n’a rien d’étonnant pour Matthieu, qui s’adresse à des chrétiens issus du judaïsme. Ils connaissent les Écritures, et ce dernier souffle du Christ en croix peut-être interprété par eux. Il ne saurait être uniquement l’expression d’un doute, il est la voie qui ouvre la possibilité de la louange. Il est l’annonce de la vie plus forte que la mort.

Mais, pour Marc c’est la radicalité qui s’exprime. Dans cet Évangile tout est dans la sobriété. Commencement radical, sans aucun récit de naissance merveilleuse, et fin brutale, pas d’apparition du ressuscité. Juste un jeune homme dans un tombeau vide, et la peur des femmes devant ce vide. Et Jésus tout au long de son ministère n’a de cesse de bous- culer ses proches, de les rabrouer. Impossible de s’installer dans un quelconque confort, dans un semblant de certitude : le chemin est celui de la quête et du questionnement.

Dans l’Évangile selon Luc

« Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
«
Amen, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. »
«
Père, dans tes mains, je remets mon esprit»
Luc c’est l’Évangile où la compassion se déploie. Ici Jésus ne meure pas dans un cri d’abandon, mais en se tournant vers les autres, dans une déclaration de confiance. Dans un souffle en regardant les soldats romains il a dit cette étrange prière: «
Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et l’autre, à ses côtés qui continue à crier sa haine, son mépris. Alors cette parole, cette demande de pardon ! Et puis ce regard, son regard : j’ai vu une lumière dans ces yeux, et dans cette lumière une plénitude, la douceur, la paix, le pardon, même pour moi. La confiance m’a transpercée et j’ai tout remis entre ses mains. Cette confiance en celui qu’il appelle son Père qui se transmet. Elle se transmet même au plus improbable.

Dans l’Évangile selon Jean

Jésus, voyant sa mère et tout près le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils.» Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. »
«
J’ai soif »
«
Tout est accompli »
Le thème de l’accomplissement parcours l’Évangile de Jean. À Cana, lors du premier signe, lorsque Jésus change l’eau en vin, il énonce que son heure n‘est pas encore venue. Il lui faut d’abord parcourir les routes de Judée, nous apprendre à nous aimer les uns les autres comme il nous a aimé. Depuis ce dernier repas, alors qu’il lave les pieds de ses disciples, nous savons qu’il a aimé les siens jusqu’au bout. Désormais, il est prêt, tout peut s’accomplir. Certes il ne cherche pas à mourir, mais il veut tout vivre en aimant, en se donnant, et tout donner de son vivant. Il ouvre la voie, invente une vie nouvelle, une vie où nous sommes ce que nous donnons, où nous sommes ce que nous aimons. C’est en connaissance de cause qu’il réclame à boire. Ce n’est donc pas un Christ terrassé par la souffrance, mais un Christ souverain qui ac- complit son destin.

Tour à tour, Christ nous bouscule, il nous pardonne, il nous questionne, il nous évangélise jusqu’à la fin, et déjà se pro- file l’aube de Pâques, car quelque soit l’Évangile, Pâques est toujours un matin !

 

 

Louis Pernot