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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Liberté – Egalité - Fraternité : Egalité

par Florence Blondon (février 09)

 

Egalité 

L’article premier de la déclaration universelle des droits de l’homme affirme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits…  »

Pourtant le petit d’homme, dès sa petite enfance, doit faire face très tôt aux inégalités. Et cette confrontation engendre un sentiment d’injustice. Nous sommes trop souvent persuadés que les principes de nos démocraties sont d’origine biblique, pourtant, un parcours biblique a de quoi nous étonner. Car, l’égalité en tant que mot n’existe pour ainsi dire pas dans la Bible. Il n’est pas évident non plus, que la notion même d’égalité se trouve dans le texte. L’hébreu qui ne connaît pas le langage abstrait, se sert pour évoquer ce qui pourrait s’en rapprocher, d’une seule lettre, une petite préposition que l’on peut traduire par « comme », une préposition au cœur du commandement du Lévitique : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le lecteur attentif perçoit que le souci de l’égalité n’apparaît pas comme tel dans la Bible hébraïque, nous sommes déplacés, décentré sur la « justice », tout particulièrement dans les Psaumes et chez les prophètes. Une justice qui prend soin des petits, des faibles des indigents : « Parce que les malheureux sont opprimés et que les pauvres gémissent, maintenant dit l’Eternel, je me lève. » (Ps 12 :6)

Lorsque Paul cherche à établir l’égalité entre les membres de l’Eglise, c’est aussi dans le souci des démunis, par le biais d’une grande collecte (2 Cor 8). Mais, c’est à travers le modèle de l’Eglise que Paul aborde les différences entre les hommes, non pour en faire une comparaison ou une  hiérarchie, mais pour faire de celles-ci une richesse, pour mettre en lumière les complémentarités : « Vous êtes le corps du Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. »(1 Cor 12 :27). Egaux, pas vraiment, complémentaires, assurément !

Mais au-delà du cercle de l’Eglise, l’Evangile nous invite tous, à la reconnaissance dans la différence. C’est une « petite bonne femme », ainsi que la nommait Luther qui nous ouvre la voie (Mt 15 :21-28). Cette « petite bonne femme », qui sait ce qu’elle veut, qui sait ce qu’elle peut. Lorsqu’elle fait irruption en criant à la suite des Jésus et de ses disciples, et qu’elle s’adresse à lui, le silence, puis la réponse sont choquants, mais qu’à cela ne tienne ! Sa réaction est remarquable, sa repartie pleine d’intelligence. Elle ne se laisse pas ébranler par la réponse de Jésus qui frôle la xénophobie, qui est politiquement incorrecte.

Mais, elle a déjà franchi les obstacles, elle sait ce qu’elle veut, et elle a foi en cet étranger. Il peut guérir sa  fille. Elle le croit profondément, et cela la libère de toute crainte, elle ose l’affronter. Ainsi, après avoir envahi l’espace privé, pénétré sur le territoire de l’autre, elle va montrer sa capacité à reconnaître sa position.

L’affrontement ne se fait pas alors dans un face à face, mais dans l’acceptation : elle ne remet rien en cause, elle consent. Elle est étrangère, et ne veut pas se substituer, elle énonce tout simplement que les miettes sont largement suffisantes. Elle reconnaît dans un même élan Jésus comme Seigneur, et autour de la table, tous ne sont pas égaux, certains sont des enfants, et d’autres sont des chiens. La femme ne se laisse aucunement éconduire, elle se réapproprie la réponse de Jésus et en transforme la logique : « Oui Seigneur ! Et les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ».

Cette révolution implique une reconnaissance de sa situation concrète : celle d'une étrangère et d'une femme. Cependant cette dernière n'entérine nullement le statu quo. Mais, elle fait éclater le conformisme. Son attitude conduit à deux changements majeurs : le premier est la reconnaissance de la différence. À l'intérieur de la « maison de l'humanité », divers peuples se côtoient. Le second consiste dans la reconnaissance d'une forme de dignité, voire d'égalité dans l'altérité. Si les « petits chiens » sont différents des enfants, ils comblent, en même temps, leurs besoins, comme le laisse entendre la référence à la table puisque ce qui s'y produit n'empêche pas « les petits chiens » de consommer les miettes dans le même temps que les enfants.

Ainsi la rencontre de Jésus et de cette « cette petite bonne femme » va mettre en place une éthique qui prend profondément racine en nous, une éthique de la foi qui nous permet à la fois de ne plus craindre l’autre, tout en respectant les limites indispensables pour une relation vivifiante.

Cette éthique nous vient de l’extériorité de la grâce. Parfois, nous sommes enfants, et parfois, nous sommes petits chiens. Ainsi, nous ne sommes pas égaux, mais sommes également entendus, exaucés, aimés de notre Père. C’est dans cet amour que l’homme va pouvoir puiser pour mettre en œuvre la suite de l’article 1 de la déclaration universelle des droits de l’homme : « …Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Florence Blondon