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Qu'est-ce qu'une confession de foi ?

par Alain Houziaux (novembre 03)

 

Au cours du culte, chaque dimanche, l'assemblée se lève pour « confesser sa foi ». Et la confession de foi la plus connue et la plus universelle est celle du « Symbole des Apôtres » (le Credo) : « Je crois en Dieu le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre. Je crois en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur... ».

Que veut dire « confesser sa foi » ?

Le sens premier du mot « confession » n'est pas le sens usuel que nous lui donnons aujourd'hui (c'est-à-dire « profession de foi »). Ce sens n'est qu'un sens dérivé.

· Le premier sens du mot « confession », c'est « aveu ». C'est le sens retenu dans l'expression « la confession des péchés ». Confesser son péché, c'est en faire l'aveu.

Et de même, confesser sa foi, c'est en faire l'aveu. Pour bien comprendre ceci, il faut se replacer dans le contexte des premiers siècles de notre ère, c'est-à-dire dans un contexte antichrétien. Le chrétien était plus ou moins « mis à la question », et il confessait sa foi comme un aveu de ce qui était alors considéré comme une faute et un péché. Confesser sa foi, c'était passer aux aveux.

Même aujourd'hui, il ne faut pas oublier ce sens premier. Etre chrétien n'est peut-être plus une faute, mais cela peut cependant être considéré comme une « folie » (pour parler comme Saint-Paul), c'est-à-dire comme une attitude contre nature et contre le bon sens. Ainsi, « confesser sa foi » chrétienne peut être considéré comme une forme de « coming out ». On reconnaît et on confesse publiquement que l'on est chrétien un peu comme un homosexuel fait l'aveu public de sa particularité.

Et cet aveu, on le fait devant les autres, mais aussi devant soi-même. On finit par s'avouer à soi-même que l'on est chrétien. On finit par le reconnaître, comme si on devait le reconnaître « à son coeur défendant » (ou plutôt « à sa raison défendant »). Ainsi, je confesse que « je suis chrétien » et que je le suis malgré moi. « Je ne puis autrement", comme disait Luther. « Je suis un athée que Dieu tire par les pieds ».

Ainsi la foi peut être considérée comme une forme de subversion, c'est-à-dire comme un retournement et un renversement de ce que serait une attitude « naturelle » et « allant de soi ». Et confesser sa foi, c'est reconnaître que l'on a été « subverti » par cette forme de « folie ».

· Le deuxième sens de « confesser » est tout différent. « Confesser », c'est aussi, ou du moins c'était aussi, « chanter", « glorifier », « magnifier ». C'est rendre grâces par un acte de louange liturgique. Notre verbe « confesser » reprend ici le sens du latin « confiteri » qui signifie, entre autres, « louer, rendre grâce ». Ainsi le Te Deum dit : « Te Deum laudamus, te Dominum confitemur ». Et la traduction latine du Psaume 91 ( « Il est bon de rendre grâces au Seigneur » ) est « bonum est confiteri Domino ». La confession de foi est un acte liturgique de glorification de Dieu. C'est un acte de louange.

Le fait que la « confession de foi » (le Symbole des Apôtres en particulier) soit considéré comme un acte de louange a une importance considérable. Le Symbole des Apôtres ne doit pas être compris comme un énoncé dogmatique et théologique mais bien plutôt comme un hymne.

Le langage de la confession de foi n'est pas un langage discursif, analytique et cognitif. La confession de foi n'est pas un exposé de nos connaissances sur Dieu. Elle est un chant d'adoration. En fait, une confession de foi n'est pas à proprement parler une déclaration des énoncés de la foi. C'est plutôt un psaume de louange.

· Le troisième sens du mot confession, c'est celui d'« attestation ». Confesser, c'est proclamer. Cette acception est très fréquente dans le Nouveau Testament. « Confesser », c'est alors le contraire de « nier » et de « renier ». Dans l'Eglise ancienne, les « confesseurs » étaient aussi des martyrs. Confesser, c'est refuser de se renier.

Ainsi, au temps d'Hitler, les chrétiens protestants allemands qui décidèrent, à leurs risques et périls, de confesser l'attitude politique que leur dictait leur foi se sont désignés comme « l'Eglise confessante ».

La confession de foi est ainsi une « protestation » dans tous les sens du terme. La confession de foi a une teneur polémique. Et c'est pourquoi, confesser sa foi, c'est prendre des risques. Dire « Jésus-Christ est le Seigneur », c'est une parole de défi par rapport à tous les seigneurs de ce monde. Chacun des énoncés du Symbole des Apôtres peut être considéré comme un acte de défi par rapport aux énoncés de la philosophie, de la science et même de la religion populaire (supers-tition, astrologie, paganisme...). Ainsi la confession de foi est autant un acte de dénégation (vis-à-vis des idées et des idoles du monde) qu'un acte d'affirmation.

· Il faut insister sur la spécificité de la formulation « je crois en  Dieu le Père, en Jésus-Christ, et en l'Esprit Saint ». En latin, l'expression « credere in » Deum, « in » Jesum Christum et « in » Spiritum Sanctum (croire en Dieu, en Jésus-Christ, en l'Esprit-Saint) a un sens différent de « credere Deo » (croire à Dieu), et de «  credere Deum esse » (croire que Dieu existe).

En revanche, « Croire en » caractérise non pas une affirmation portant sur une vérité et une existence, mais une tension vers Dieu mêlée d'amour. « Croire en », ce n'est pas un acte de connaissance (comme « croire que »), mais plutôt un acte de reconnaissance. C'est « donner sa foi » à Dieu, le mot « foi » étant à comprendre ici dans le sens de « fidélité » et de « confiance ». Confesser sa foi, c'est une manière de dire que l'on se donne et que l'on fait confiance.

Ainsi, dans son principe, la confession de foi n'est pas l'énoncé d'une série de vérités métaphysiques et théologiques auxquelles on adhère. Elle a une valeur beaucoup plus existentielle. Puisque l'énoncé de la confession de foi se faisait au moment du baptême adulte, elle était liée à un mouvement de conversion du coeur. L'adulte décidait de changer de vie.

Alain Houziaux

Extrait de « Les grandes énigmes du Credo » dernier ouvrage paru de A. Houziaux, édité par DDB, Octobre 2003