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Les protestants et la Bible : entre approche fondamentaliste et historico-critique

Les protestants disent se fonder sur la Bible. Mais elle a été écrite il y a deux ou trois mille an, peut-on la lire comme si elle avait été écrite aujourd'hui? Et si on remet en cause des passages par rapport au contexte historique, alors comment savoir ce qui est encore valable et ce qui ne l'est plus?

Certes, le protestantisme se définit comme admettant une seule autorité qui est la Bible, et les différentes tendances du protestantisme se définissent par rapport au mode de rapport à cette Bible.

Il y a des églises plutôt fondamentalistes, surtout dans ce qu'on appelle les "Evangéliques". Ils croient alors que la Bible est "la parole de Dieu", autrement dit qu'elle est soit carrément "dictée" par Dieu soit en tout cas inspirée très fort et ce qui fait qu'elle ne peut pas se tromper et qu'elle définisse ce qu'il faut croire et faire.

Dans nos églises dites "historiques" (luthériennes ou réformées, qui ont fusionné en France pour donner l'Eglise Protestante Unie), on le plus souvent a un rapport plus critique par rapport à la Bible.

En général, on admet ce qu'on appelle la "critique historique", c'est à dire qu'il faut replacer les textes dans leur contexte pour voir ce qu'ils pouvaient vouloir dire dans un contexte donné, tant social que culturel et scientifique.

D'une façon plus générale, la lecture qui est faite alors est d'en trouver une lecture "théologique" et de ne pas chercher dans la Bible des réponses directes aux autres questions de nature par exemple scientifiques, morales ou sociales. Ainsi pense-t-on que la Bible ne dit pas comment le monde a été créé, et en tout cas certainement pas en 7 jours, et on ne peut y trouver une idée directement utilisable aujourd'hui du mariage, ni statut de la femme, ou du rapport à l'homosexualité. Tout cela dépend évidemment beaucoup de la culture de l'époque et de la vision du monde que l'on avait alors. L'Ancien Testament prônait la polygamie, Paul ne s'offusque pas de l'esclavage, tout cela est culturel. De même le rapport à la science n'était pas le même. Aujourd'hui nous connaissons beaucoup plus de choses sur le fonctionnement de la nature. A l'époque le miracle n'était pas quelque chose d'aussi problématique qu'aujourd'hui puisqu'on ne connaissait que très peu comment le monde fonctionnait matériellement (que ce soit pour le climat, la fécondité, la santé etc.)

La tentation serait alors de ne conserver que les textes purement théologiques: les Béatitudes: "heureux ceux qui procurent la paix..." etc. Le Notre Père, et d'écarter le reste, mais ce serait se priver d'une grande part de l'Ecriture. Alors le mieux est de lire la Bible comme ce qu'elle est, c'est-à-dire non pas un traité scientifique, mais un livre théologique. Et dans chaque texte essayer de comprendre ce que cela nous dit de Dieu et de notre relation à lui et entre nous. Ainsi dans la Genèse, par exemple, je crois qu'il est question de ce qu'est l'expérience de l'homme par rapport à Dieu, à l'universel, à la morale, à la culpabilité etc...

Et puis plus personnellement, je vais plus loin dans cette critique, je ne suis pas le seul dans cette démarche, mais je vais sans doute plus loin que beaucoup de mes collègues.

Je crois que l'Ancien Testament n'est ni dicté ni "révélé", mais est le récit de la quête de Dieu, ou d'une certaine théologie par un peuple. Je crois que cette quête du peuple juif est particulièrement intéressante, et si je suis chrétien, c'est parce que je crois qu'elle a abouti à quelque chose que je mets plutôt au sommet: la prédication du Christ qui a une certaine vision de ce que devrait être l'homme, la société, le rapport à Dieu etc... Et je crois en effet que l'Evangile est un beau programme, et qu'il n'y a pas d'autre voie pour l'humanité que le pardon, l'amour, le service, la quête de la paix de la fraternité etc...

Et donc je regarde cette quête millénaire qui a abouti au christ avec le plus grand intérêt, et je crois qu'il  y a des intuitions géniales dans l'Ancien Testament. Mais bon voilà, il y a aussi beaucoup de scories, et de choses archaïques. En particulier tout ce que vous citez, et on pourrait en trouver d'autres sans difficulté. Mais ces errances n'enlèvent pas les passages merveilleux, comme le Psaume 23, certains passages d'Esaïe ou etc...

Ensuite même l'Evangile n'est pas à prendre tel quel pour l'appliquer, il est forcément aussi pris dans une certaine culture, et il faut donc le décoder, il faut le transposer, l'actualiser, voir en quoi les intuitions du Christ peuvent être encore pertinentes aujourd'hui. C'est le travail du théologien, et du prédicateur en particulier. La prédication est le travail du théologien pour partir de l'Evangile et le réinterpréter pour qu'il puisse devenir pertinent pour aujourd'hui.

Louis Pernot